
Il est 8 heures. Le lait de la traite, collecté à l’étable, à moins de 100 mètres de là, a été placé dans une cuve en inox et chauffé à 38 degrés. Le fromager y ajoute des ferments lactiques, une flore d’affinage et un peu de pressure « pour aider le travail de coagulation ». Puis une fois que le précieux liquide est gélifié, il le brasse, le découpe en gros cubes et le verse dans des moules « pour évacuer le petit-lait ». Une dernière opération qui va durer quelques heures. Ensuite, le fromage sera démoulé et entouré de son emblématique sangle en épicéa, avant d’être plongé dans un bain de saumure à 10 degrés. « Ce qui va permettre de le saler, mais aussi d’arrêter le processus d’acidification », explique Henri Mamet.
Cet agriculteur, héritier d’une longue tradition, est le seul en appellation mont d’Or à fabriquer directement ses fromages à la ferme. Un vrai challenge, quand on sait combien ce produit humide est délicat d’un point de vue sanitaire. Jusqu’en 2007, le lait de son exploitation était intégralement apporté à la fruitière des Suchaux « à la coulée » pour produire du comté. En clair, l’exploitant transportait encore lui-même son lait chaud le matin et le soir. C’est toujours le cas aujourd’hui, sauf que 10 à 20 % de la traite du matin sont désormais transformés directement à la ferme, entre le 15 août et le 15 mars. Car le mont d’Or ne se fabrique que 6 mois de l’année.
Seulement onze fabricants
« En limitant la durée de production dans le temps, l’appellation a voulu maintenir la tradition. Jadis, ces fromages n’étaient fabriqués qu’à la morte-saison, quand la production de lait était insuffisante pour confectionner une meule de comté », précise encore Henri Mamet qui a été formé à l’école nationale de l’industrie laitière de Mamirolle (Doubs). L’appellation est géographiquement très concentrée sur une partie du Haut Doubs entre Métabief et Le Russey. Il n’existe que onze fabricants qui produisent annuellement 5.000 tonnes de mont d’Or. Mais les disparités sont importantes. 90 % des volumes sont réalisés par trois fromageries.

« Avec nos 12.000 fromages élaborés en moyenne à l’année, on est de loin les plus petits », résume Henri Mamet qui écoule sa production partout en France, mais exclusivement chez des crémiers fromagers. Pour le Gaec, cette autre valorisation du lait permet un meilleur rendement. « Les ventes sont plus rapides qu’avec le comté où il faut plusieurs mois d’affinage, avant de pouvoir commercialiser », indique Henri Mamet.
Consommé frais en Franche-Comté, mais chauffé sur des pommes de terre partout ailleurs, ce fromage au lait cru et au léger goût de noisettes est toujours plissé dans sa boîte en bois. Pourquoi ? Parce que les boîtes sont toujours plus petites que les fromages. Ce qui génère ces plis qui rappellent les monts du Jura.