
À l’aide d’un petit marteau, Claude Querry, le responsable de l’affinage du fort de Saint-Antoine (25) tapote la croûte d’une meule de comté. Il « sonne » le fromage pour écouter ses fragilités. À l’oreille, en fonction des résonances, il est capable de déterminer la position et l’ampleur d’une fissure, ou au contraire l’homogénéité de la pâte.
Cet examen fait partie des contrôles que subit régulièrement un comté durant son affinage. Le caviste observe l’évolution de la croûte, il sonde, renifle et goûte la pâte. C’est ce qui va lui permettre d’établir un programme de soin sur mesure pour chaque meule. Ici un peu plus de saumure, là un frottage plus léger ou plus espacé. Un travail réalisé par un robot qui sillonne les allées de la cave jour et nuit. « Durant les premiers mois, les soins sont apportés tous les deux ou trois jours. En fin d’affinage, c’est tous les quinze jours. Dans tous les cas, un comté de 12 mois est brossé au moins 55 fois », précise Claude Querry
Au fort de Saint-Antoine, à 1.100 m d’altitude, sous les voûtes des casemates recouvertes par 7 m de remblais, sont élevées en tout temps quelque 100.000 meules issues de 33 fruitières. Les fromages arrivent à blanc et rejoignent tous « la maternelle », une cave d’adaptation où ils demeurent trois à quatre mois. Ensuite, ils sont descendus dans une cave à 8° C où le taux d’hygrométrie approche les 95 %. Dans un tel environnement, un pull en laine se gorge d’eau en moins de 24 heures.Cela implique un suivi amplifié, plus d’attention.
Tous les comtés ne peuvent pas vieillir
Pour certains fromages l’affinage s’arrêtera là. Pour d’autres, qui ont davantage la capacité de vieillir, le séjour sous terre continue. Chaque cave a une flore et un environnement spécifique qui va influer différemment sur le fromage. Le travail du caviste est de faire le bon choix au bon moment.
Au maximum, « un fromage peut fréquenter jusqu’à cinq caves différentes », souligne Claude Querry. À 24 mois, la plupart des meules sont déjà vendues. Seules 5 % d’entre elles sont conservées plus de deux ans. Mais qu’importe la durée du vieillissement selon Claude Querry. « Ce qui compte, c’est le bon moment, celui ou le fromage atteint son optimum sensoriel et gustatif. S’il l’atteint à 12 mois, ça ne sert à rien de le vendre quatre mois plus tard. Au contraire, il risque de perdre en qualité », souligne-t-il, en précisant que l’affineur ne peut pas tout contrôler.
« Un orage qui stresse les vaches, la qualité des graminées, le tour de main du fromager sont autant d’éléments qui font que chaque meule est différente. On sait aussi que les comtés d’été ont davantage la capacité de se bonifier. À l’image d’un œnologue, notre métier consiste à corriger les défauts tout en préservant les qualités d’un produit qui reste unique. Et pour cela, le fort de Saint-Antoine est l’endroit idéal. La température y est constante, le niveau d’hygrométrie également. Ces éléments permettent un affinage lent, qui apporte au fromage toute sa finesse et une grande diversité aromatique », conclut Claude Querry.