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Jean-Marc Toussaint

Un bœuf gras de Bourgogne

# Voyage gourmand# Les bons produits

# Bourgogne

S’inspirant du bœuf de Kobé, un éleveur bourguignon développe « le bœuf de Beaune », engraissé aux cassis et aux gènes de raisin.

Dominique Guyon est éleveur. Il travaille avec son fils, Antoine. Dans leur ferme de Rouvres-sous-Meilly (21), ils engraissent des charolais en sept mois, quand l’élevage intensif expédie l’affaire en trois fois moins de temps.

Chez les Guyon, on respecte l’animal, la nature aussi. « Elle nous rend heureux. On n’a pas envie de la dégrader », souffle Antoine. Les bovins sont tous élevés à l’herbe et avec des compléments d’orge, de féveroles, d’avoine, d’épeautre. Des produits cultivés à la ferme sans engrais ni pesticides. Ici point de tourteaux de soja et d’activateurs de croissance. Les bovins grossissent à leur rythme, nourris sous la mère, puis au pré. Mais ce choix assumé de produire de la viande de qualité ne paye pas. « La coopérative qui ramasse nos bêtes nous rémunère au même tarif que pour les charolais issus des élevages intensifs. »

Pas question pour autant pour les Guyon de tomber dans la facilité et de se laisser happer par un système qui s’intéresse plus aux marges qu’à la qualité. « On veut rester fier de notre travail », explique Dominique. Et son fils de poursuivre : « L’élevage tel qu’on le pratique dans ce système de prix toujours plus bas n’a pas d’avenir. Si on veut survivre, il va nous falloir être inventif et repenser notre métier ». Les Guyon ont déjà entamé ce virage. Ils se sont lancés dans l’élevage d’escargots. Mais surtout, ils ont développé une nouvelle viande grasse sous la marque « bœuf de Beaune », en s’inspirant des techniques de production de l’illustre cousin de Kobé, élevé à la paille de riz.

150 kg pris en six mois

En Bourgogne, point de riz, mais du cassis et du raisin à foison. C’est donc avec ces deux fruits pressés que sont engraissés les bœufs de Beaune au-delà de leurs 36 mois. « L’engraissement démarre en mai et dure jusqu’au milieu de l’automne. Pendant cette période, chaque bœuf mange quotidiennement 12 kg d’aliments, en plus du foin. Les animaux ne sortent plus. L’objectif est qu’ils brûlent le moins de graisse possible », explique Antoine Guyon.

À partir de juin, 20 % de baies de cassis pressées sont incorporées aux rations de céréales. Et après les vendanges, c’est le gène de raisin obtenu après fermentation du vin et la distillation des marcs qui est donné au troupeau, dans les mêmes proportions. Pendant cette période, l’animal va passer de 800 à environ 950 kg. La viande qui en découle est naturellement persillée, tendre, goûteuse.

« En fondant lors de la cuisson, les fils de gras logés dans la fibre musculaire agissent comme des exhausteurs de goût », explique Laurent Parra, chef du restaurant « Le Conty » à Beaune (21). Cette aventure gastronomique inédite n’en est encore qu’à ses balbutiements. « La première année, on a essayé avec deux bœufs. Les restaurateurs de Beaune les ont vendus assez rapidement. L’année suivante, on a doublé la mise en engraissant quatre bœufs », précise Dominique Guyon, qui aimerait aller plus loin. Pourquoi pas en travaillant en direct avec un boucher ou en se lançant dans la vente aux particuliers. « C’est un produit de luxe. Le coût de revient est important, d’où un prix assez élevé autour de 60 euros le kilo ». Un prix presque raisonnable comparé au bœuf de Kobé qui se négocie en moyenne à 200 euros le kilo !

Infos pratiques

  • Ferme Guyon
  • 14 route de Vandenesse
  • 21 320 Rouvres-sous-Meilly
  • Tel : 07 89 55 51 69
Un bœuf gras de Bourgogne
Un reportage de Jean-Marc Toussaint