
Il y a bien quelques forêts à Meudon, à Fontainebleau, et à Rambouillet, mais quand on sillonne l’Ile de France, la région apparait d’abord comme un entrelacs de routes, un concentré de bitume et de béton où grouillent plus de 1000 habitants au km2 ! Aussi, on ne pense pas tout de suite que dans cette région confetti, il puisse y avoir aussi des fermes, des éleveurs, des maraîchers… Et pourtant, il a presque tout pour alimenter une cuisine : des petits pois à Clamart, des asperges à Argenteuil, des poireaux à Gennevilliers, des épinards à Viroflay… Sans oublier les cerises de Montmorency, les champignons et le jambon de Paris ou encore cette Belle de Fontenay, une pomme de terre à chair ferme au nom évocateur. Et on y ajoute volontiers le brochet de Méréville, mais aussi les bries de Meaux et de Melun.
Cette richesse mal connue, Rémi Chambard en a fait son fond de commerce. Dans son restaurant "Le Corot" à Ville d’Avray, il est parvenu à construire une cuisine identitaire teintée de régionalisme. 80% des produits qu’il sert à table sont « sourcés » en Ile-de-France.
Un virage qu’il a pris en 2020 quand l’hôtel-restaurant, "Les étangs de Corot" racheté par le groupe BL hôtel a fermé pour travaux pendant 18 mois. « Ça m’a donné le temps d’aller à la rencontre des producteurs et de repenser mes plats et ma manière de travailler pour me diriger vers une cuisine plus précise, plus raffinée. Jusque-là, je proposais une cuisine de relais de chasse, bourgeoise et contemporaine. Désormais, c’est mon environnement proche qui m’inspire et me guide ». A commencer par les étangs de Corot, un écrin de verdure prolongé par l’ancienne forêt royale de Fausses Reposes, là où le peintre Camille Corot l’un des pionniers de l’école de Barbizon a magnifiquement peint plus de 250 tableaux.
Une cuisne gourmande et voyageuse
Cette mutation, Rémi Chambard n’a eu aucun mal à la mener à bien. La terre, la valeur du produit, il connait. « J’ai grandi en Charente Maritime. Mes grands-parents étaient agriculteur. Ils m’ont enseigné ce principe de toujours utiliser ce que la nature nous offre. Chez mon oncle, boucher-charcutier en Gironde où je passais les vacances pour me faire de l’argent de poche, j’ai aussi appris le respect du produit » raconte-t-il.
Aussi, quand il lui faut choisir une orientation, c’est tout naturellement qu’il prend la direction du lycée hôtelier de La Rochelle. Sa formation se poursuit dans plusieurs tables étoilées. De Deauville au Cap Ferrat en passant par Biarritz. Mais c’est sa rencontre avec Nicolas Masse en 2019 qui va lui faire franchir un palier. Aux sources de Caudalie à Martillac, Il y apprend à sublimer le végétal et à repousser ses limites. A 26 ans, Il devient son second et se voit proposer trois ans plus tard la direction des cuisines des étangs de Corot, également propriété du groupe Caudalie. On connaît la suite. En 2014, il décroche une étoile au guide Michelin qu’il n’aura eu de cesse de faire briller depuis, grâce à une cuisine gourmande, voyageuse, concentrée, évolutive. « La bonne cuisine repose d’abord sur le choix des ingrédients ». Plus le circuit est court, plus le produit est frais et gouteux » rappelle-t-il.
Disciple de Jean-François Piège, Rémi Chambard aime tout particulièrement travailler les asperges, les champignons, les tomates, le gibier, les poissons d’eau douce… pour emmener les gourmands à la découverte de son Paris de campagne, lové entre potagers, forêts et étangs. A l’image de cette tarte d’Auvray inspirée d’un friand parisien avec une farce de morilles des pins et de girolles, chapeautée par des lamelles de champignon de Paris cru, accompagnée d’un oignon de Roscoff caramélisé et d’une sauce à l’agastache.
Les sauces, un pilier de sa cuisine
Ce qui fait l’ADN de la cuisine de Rémi Chambard, c’est justement cette belle maîtrise des sauces et des assaisonnements. Un art qu’il a appris chez Jean-Marie Gautier à Biarritz quand il était chef de partie saucier. Une époque où il a passé des heures à se plonger dans les livres d’Escoffier pour comprendre les sauces généreuses, les bouillons expressifs, les jus tranchés ou perlés, les fonds au gout sans fond.
« Une belle sauce c’est primordial pour donner du caractère à un plat. Je les travaille le plus souvent avec des huiles aux herbes. Je fais aussi mes vinaigres de fleurs, de tagettes, de betteraves, de livèche…Témoin de cet art particulièrement bien maîtrisé, cette sauce au Champagne, infusée au « sinaigre » de sapin, (un mélange de sirop et de vinaigre) pour accompagner une truite confite servie avec du citron caviar et du Pak-choi, une variété de choux chinois au gout de moutarde. Ou encore ce puissant jus de pigeon parfumé à la tagette, servi avec un pigeon rôti fini au barbecue et accompagné de différentes déclinaisons de betteraves. Cette appétence pour les jus, on la retrouve tout au long du service.
Sa balade gourmande en Ile-de-France, véritable écho à la cuisine champêtre débute par un puissant bouillon de champignons « pour réveiller les papilles ». Et se conclut au dessert avec d’un côté une émulsion à la feuille de figue et de l’autre un jus de safran pour escorter une poire William rôtie. La fin du repas est tout aussi étonnante. Pour les boissons chaudes, le serveur vient avec des plants de verveine, de thym, de sarriette et de menthe fraiche qu’il transforme en pesto au pilon. Avant de les jeter dans l’eau bouillante. Une manière de boucler la boucle a rappelant l’esprit nature de la cuisine de Rémi Chambard.

Coup de cœur
Un hôtel en partie classé monument historique
L’hôtel-restaurant des étangs de Corot situé à Ville d’Avray, à 15 km au sud-ouest de Paris dans le département des Hauts-de-Seine a été construit en 1847. L’histoire a débuté avec une modeste chaumière, quatre chambres et un restaurant.
Aujourd’hui, l’établissement labélisé relais et châteaux, compte 42 chambres, un spa de 500 m2, mais aussi deux restaurants, un bistronomique et un autre, étoilé au guide Michelin depuis 2014. Le domaine des étangs de Corot est intégré à BL Hôtel comme Beautiful Life hôtel, un groupe qui concentre une dizaine d’hôtel-restaurant dont la plupart sont implantés en Bretagne, la région d’origine de son propriétaire, l’homme d’affaires Gérard Jicquel.
Cette belle maison a été restaurée avec gout en 2022. Sa réception pensée comme un hall de gare dessert des chambres décorées de papiers peints signés Pierre Frey et de copie des tableaux de Corot. Sa vaste terrasse arborée est prolongée par huit paillottes construite sur pilotis au milieu du XIXème siècle, dans l’esprit d’une guinguette et classées monument historique depuis 1963.
















