
La famille Blanc et la gastronomie sont indissociables. On pourrait même écrire que c’est blanc bonnet et bonnet blanc, tant la maison de Vonnas est devenue un temple historique et incontournable du bien manger à la française. Pour trouver les racines de cette saga haute en couleurs, il faut remonter à 1872 quand Jean-Louis Blanc, l’arrière-grand-père de l’inoxydable Georges Blanc s’installe sur la place du marché de Vonnas en qualité de cafetier-limonadier.
Son fils Adolphe lui succède, mais c’est sa femme Elisa, la fille du boulanger qui va écrire les premières pages du récit familial. Elle commence à cuisiner, mitonne avec talent des plats traditionnels régionaux dont raffole la clientèle locale. Le président Edouard Herriot fait partie des prestigieux habitués de l’auberge. En 1929, « la mère Blanc » comme on la surnomme décroche une première étoile au guide Michelin, puis une seconde trois ans plus tard. A la suite, Curnonsky, le critique gastronomique le plus en vue de l’époque lui décerne le prix de « Meilleure cuisinière du monde ». Une légende est née.
Sa belle-fille, Paulette, elle aussi fille de boulanger, hérite de sa passion et continue de faire prospérer l’auberge grâce à une cuisine bressane simple, articulée autour de produits frais de qualité.
La profondeur du goût
Mais au début des années soixante, la question de la pérennité de l’entreprise se pose. Georges, le fils de Paulette n’a pas vraiment envie de reprendre le restaurant. Le jeune homme ambitionne de devenir pilote de chasse. Il veut faire l’école de l’air, mais au détour d’une visite médicale, il se découvre daltonien et son rêve s’envole. Ce sera donc l’école hôtelière de Thonon-les-Bains, dont il sort major de promotion. Le vent a tourné, et Georges Blanc ne peut plus échapper à son destin.
A 25 ans, il reprend l’affaire familiale. C’est le premier homme de la famille au piano. Il dynamise la maison, modernise et allège les plats, raffine le décor, porte la plus grande attention à chaque détail et se réinvente sans cesse pour coller au mieux à son époque. Il se met à cuisiner des poissons, des crustacés et propose des desserts innovants, inspirés des recettes du pâtissier Lenôtre. A force de travail, il décroche une 3ème étoile en 1981. Une reconnaissance logique qui récompense une cuisine technique, pointue où tout est calculé et fait au dernier moment, « afin d’obtenir la profondeur du goût et la fraîcheur de chaque expression », souligne le chef.
Malgré cela, son plat le plus célèbre reste un standard : la poularde de Bresse avec sa sauce champagne/foie gras accompagnée des fameuses crêpes vonnassiennes à base de pommes de terre, créées par sa grand-mère. On vient aussi chez Blanc pour se régaler d’un homard bleu à la flamme, mariné au Savagnin ou d’un tourteau servi avec un caviar Osciètre légèrement fumé. Sans oublier cet étonnant mariage d’un oignon doux de Roscoff servi avec de la cazette torréfiée sur un velours de coriandre fraîche.
La cuisine de Georges Blanc est un récital que l’on savoure dans un lieu chaleureux, un peu hors du temps. Sa cuisine de tradition est une ode à la nature. Et même s’il a perdu une étoile en 2025, il fait toujours partie des plus grands ambassadeurs de la gastronomie française, doublé d’un entrepreneur avisé qui a toujours su mieux que d’autres comprendre et répondre aux attentes du client.
Un groupe de 350 salariés
De fait, son activité incessante a permis de faire prospérer l’affaire que lui a transmise sa mère en 1968. A Vonnas, il a racheté une trentaine de maisons, situées autour de son restaurant où il a établi sur 6 ha « Le village Blanc » : un complexe composé de trois restaurants, trois hotels avec spa et piscine, une boulangerie, un parc-musée où il a su créer une atmosphère propice à la détente et aux plaisirs des cinq sens.
Désormais octogénaire, Georges Blanc n’est plus derrière les fourneaux, mais il garde un œil attentif sur le travail de Florent Maréchau, son chef exécutif qui a débuté à ses côtés, en qualité de commis.
« J’ai toujours un carnet au pied du lit. Quand j’ai une idée, je la note et tous les vendredis, on se retrouve avec Florent pour en discuter et goûter ses nouveaux plats. Je lui donne mon avis, je lui demande de changer telle ou telle chose », souligne celui qui a gardé un palais exceptionnel. Et d’ajouter : « La cuisine c’est donner des émotions, mais le métier a beaucoup changé. Quand je suis arrivé en 1964, on faisait encore la cuisine des mères : écrevisse à la nage, quenelle de brochet, pâté en croûte, escargots… C’était une cuisine de tradition familiale, immuable et répétitive. Aujourd’hui, on fait une cuisine d’expression, d’instant, d’émotion qui réclame beaucoup plus de moyens. En 1981, quand j’ai décroché la troisième étoile, on était dix en cuisine. Désormais, on est 35 et on fait deux fois moins de couverts. En vérité, le consommateur est beaucoup plus avisé et les chefs ont dû considérablement élever leur niveau », assure celui qui continue de nager deux fois par semaine dans la piscine de son hôtel, « dès 6 h 30 du matin avant que les clients arrivent ».
Car Georges Blanc a besoin de rester en forme pour continuer à diriger son groupe qui emploie pas moins de 350 salariés. L’homme a su surfer sur son nom pour créer une galaxie qui compte des boutiques, cinq hôtels-restaurants implantés en Bourgogne et en région Rhône-Alpes, mais aussi un vignoble de 17 hectares dans le Mâconnais. Car le vin est l’autre passion de Georges Blanc. En 1979, il avait terminé 3ème au concours des meilleurs sommeliers de France !
