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Jean-Marc Toussaint

Romain Barthe, classique mais original

# Voyage gourmand# Les bonnes tables

Entourée par les vignes et les monts du Beaujolais, l’auberge de Clochermerle est un havre de paix. Romain Barthe y signe une cuisine classique et légère, souvent teintée d’une once de fantaisie.

Le chef, Romain Barthe en cuisine avec un apprenti japonnais.

« Mes plats sont simples, classiques, mais toujours avec une pointe d’originalité dans la cuisson, les assaisonnements ou l’association des produits. Avec le temps, ma pratique culinaire est devenue plus juste, plus précise, mais au fond elle a peu évolué », répond d’emblée Romain Barthe quand on lui demande ce qui caractérise sa cuisine.

Le chef de l’auberge de Clochemerlequi se définit « comme un éternel apprenti » essayant de transformer « les dons de la nature en essences élaborées » cherche toujours à renouveler sa carte qui n’inclut aucun plat signature « parce que, je ne veux pas que le client mange deux fois la même chose », souligne-t-il. Il n’empêche, il y a des produits qui reviennent plus souvent que d’autres. C’est le cas du pigeon, des poissons d’eau douce, du chocolat. « J’aime aussi travailler les céréales et les légumes oubliés, comme les blettes et les cardons », ajoute Romain Barthe adepte des menus surprises, construits au gré des arrivages.

Des associations inattendues

Dans le cadre chic et cosy de son auberge, on se régale de ce filet de truite fario cuit à la flamme, accompagné de courges, de carottes et de tamarin et servi avec un sabayon de fève tonka et de citronnelle. On ne se lasse pas de ces rillettes de lapin servies avec des noisettes concassées, des fèves de petits pois, le tout agrémenté d’une vinaigrette à la fraise et à l’ail des ours.

Dans ses préparations, le chef ne dédaigne pas non plus casser les codes avec des associations inattendues, comme ce ris de veau cuisiné au café torréfié ou cette andouille de Guémené travaillée avec du homard ou de la Saint-Jacques. « Je m’inspire aussi de mes voyages. Par exemple, je pratique souvent une pré-cuisson des poissons dans une marinade sel, sucre, vinaigre et sauce soja, ce qui permet de raffermir les chairs. C’est quelque chose que j’ai appris au Japon ».

Aussi, avant de devenir un chef reconnu, capable de développer une gastronomie d’émotion, Romain Barthe s’est-il poli de ses expériences plurielles. « Mes parents aimaient recevoir. Avec eux, j’avais toujours bien mangé. Je crois que j’ai découvert les saveurs, sans même m’en rendre compte », se remémore-t-il.

Originaire de la Meuse, c’est donc assez naturellement qu’il enchaine bac pro et brevet professionnel au lycée hôtelier de Metz. Son apprentissage « Aux armes de Champagne » à Châlons-sur-Marne avec Gilles Blandin est déterminant. « Gilles a été celui qui m’a appris la rigueur, l’excellence et qui m’a poussé à aller plus loin. En cuisine, il faut des fondations solides et c’est lui qui me les as apportées. Je peux dire sans détour que c’est mon mentor. D’ailleurs, on est toujours en contact. On ne se voit pas beaucoup, mais quand on se voit, c’est toujours fort ».

Inspiré par les cuisines d'ailleurs

Passé cette première expérience fondatrice, Romain Barthe a fait six années d’une forme de compagnonnage chez Troisgros à Roanne (3 étoiles), aux Crayères à Reims (3 étoiles), mais aussi au Terminus à Sierre dans le Valais suisse (2 étoiles). C’est notamment dans ce dernier établissement qu’il rencontre Delphine, sa future femme, sommelière et originaire du Beaujolais. « Quand on s’est décidé à essayer de monter notre affaire, on a d’abord pris un restaurant en gérance à Vittel durant une année pour évaluer notre capacité à travailler ensemble et à gérer une maison ».

En 2007, ils rachètent l’auberge de Clochemerle à Vaux-en-Beaujolais et entame d’emblée un virage gastronomique. Cinq ans plus tard, Romain Barthe décroche une étoile au guide Michelin qu’il perd en 2020, avant de la récupérer en 2025.

La cave que gère Delphine est l’une des plus belles du secteur avec quelque3000 références, dominées par des crus du Beaujolais et de Bourgogne. Au fil du temps, la cuisine de l’auberge de Clochemerles’est aussi grandement inspirée des cultures d’ailleurs. Romain Barthe est secondé par la chilienne Paulina Hernandez. La chef pâtissière est arménienne. Il y a aussi un stagiaire japonais, un serveur tunisien et une femme de chambre ukrainienne. Une vision élargie du monde, bien loin de l’univers étriqué du village de Clochermerle, raconté dans son roman par Gabriel Chevallier.

 

Clochemerle, le roman de la France rurale des années trente

Vaux-en-Beaujolais a été la source d’inspiration de Gabriel Chevallier pour son roman « Clochemerle » paru en 1934, traduit ensuite en 26 langues. Cette fresque populaire à l’esprit gouailleur raconte sans indulgence les vieilles haines recuites entre villageois, leur gout prononcé pour l’argent, leurs ambitions, leurs petits arrangements, avec en toile de fond cette guerre idéologique entre catholiques et laïques qui fait rage dans cette France rurale des années trente.

Cette satire tirée à plusieurs millions d’exemplaires a connu un énorme succès, au point que le mot Clochemerle inventé par l’auteur est depuis entrée dans le langage courant. Le livre a également été l’objet de plusieurs adaptations cinématographiques.

Aujourd’hui, Vaux-en-Beaujolais a grandement exploité le filon. La pissotière, au cœur de débats politiques acharnés, a été reconstruite sur la place du village. Les murs, les édifices publics et certaines maisons sont décorés par des dessins d’Albert Dubout, auteur d’une version illustrée du roman. Un petit musée permet également de découvrir les œuvres de Gabriel Chevallier et la cave de Clochemerle fait déguster une large gamme de Beaujolais Villages, dont la célèbre “Cuvée Ponosse”, du nom du curé imaginé par Gabriel Chevallier

La pissotière a été reconstruite sur la place du village.

Infos pratiques

  • Auberge de Clochemerle

173, rue Gabriel Chevallier

69 460 Vaux-en-Beaujolais

Tel : 04 74 03 20 16

Romain Barthe, classique mais original
Un reportage de Jean-Marc Toussaint