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Jean-Marc Toussaint

De la ferme à l’assiette

# Voyage gourmand# Les bons produits

# Meurthe-et-Moselle

La ferme d’Ulysse à Manoncourt-en-Vermois (54) a fait le choix de l’autonomie. Ses exploitants, ingénieurs de formation sont devenus multitâches et commercialisent l’intégralité de leurs productions en direct. Découverte d’une ferme qui ne connaît pas la crise.

les poulets sont engraissés entre 90 et 120 jours

Le long d’un grand ruban d’asphalte à la sortie de Ville-en-Vermois, dans une plaine herbeuse balayée par les vents, émergent quelques bâtiments. C’est une nouvelle ferme, à moins de 15 minutes de Nancy. Suffisamment rare dans le paysage pour susciter l’intérêt en ces temps de crise agricole. Sauf qu’ici, on ne regarde pas les cours du lait ou de la viande faire du yoyo avec inquiétude. On vend l’intégralité de la production en direct. Il n’y a pas d’intermédiaires. Personne ne prend son obole au passage. Ces exploitants vivent de leur travail. Ils ne se contentent pas de faire vivre les autres, en étant prisonniers d’un système qui leur échappe.

Mais cette liberté suppose d’être multitâches, souple et adaptable. Ici, on est à la fois céréalier, éleveur, commerçant, traiteur, restaurateur, boucher et livreur. Ce couple d’entrepreneurs ne compte pas ses heures, mais il a une foi résolue en l’avenir. Elle, c’est Magalie Fraszczak-Guillaume. Elle a grandi dans le Vaucluse. Sa mère gérait un centre équestre. Lui, c’est Aurélien Guillaume, le petit-fils de François Guillaume, l’ancien ministre de l’agriculture de 1986 à 1988 dans le gouvernement de cohabitation de Jacques Chirac. Autant dire que la nature, la terre, les animaux, les deux tourtereaux connaissent. D’autant plus qu’à cet atavisme, ils ont su agréger un solide bagage théorique, sur les bancs de l’Institut supérieur d’agriculture de Lyon là où ils se sont rencontrés. « On est tous les deux ingénieurs avec une formation en agriculture, en agroalimentaire et en environnement, » précise Magalie.

600 pondeuses et autant de poulets

Fraîchement diplômés, ils ont tous deux occupé des emplois de salariés avant de se décider à s’installer. Aurélien a été le premier à franchir le pas, en 2018. Sur une parcelle de trois hectares, il crée un élevage de volailles : 600 pondeuses d’un côté et 600 poulets de l’autre. Du Favirou et du Counu uniquement, deux races à viande réputées pour l’excellence de leur chair qui sont engraissées entre 90 et 120 jours en plein air, quand les poulets des élevages intensifs sont abattus au bout de 42 jours sans avoir vu la couleur du ciel. Patience et longueur de temps sont les deux mamelles de la qualité.

Une fois forcis, les poulets sont abattus, plumés et éviscérés sur place. Cette tâche ingrate, c’est Aurélien qui s’y colle. Après son école d’ingénieur, il a passé son CAP boucher avec des gamins de 15 ans. Une formation d’autant plus nécessaire que le couple a également pris des parts dans un élevage de charolais à Varangéville. « On fait abattre une bête tous les mois » souligne Aurélien.

Œufs frais, poulets, viande de bœuf sont vendus en direct à la ferme ou via un distributeur réfrigéré implanté à Tomblaine. Le reste est écoulé chez des restaurateurs et dans quelques épiceries. Ou transformé. Car Aurélien s’est aussi formé à la cuisine au côté d’Anne-Marie Laumond, chef à domicile et traiteur bien connue à Nancy. « Le projet est vraiment de produire de la fourche à l’assiette. On a récupéré les 120 ha de l’exploitation familiale pour produire les céréales indispensables à la nourriture de nos volailles, » explique le paysan-boucher.

Une yourte ouverte tous les jours

En parallèle, Magalie a pris en main la création d’une vaste yourte en bois des Vosges, un lieu d’une capacité de 32 places assises, mis en location pour des anniversaires, des séminaires, des repas entre amis… « La yourte est ouverte 7 jours sur 7, midi et soir, mais uniquement sur réservation. Il y a, à côté, une cuisine. Les clients peuvent donc être totalement indépendants, mais nous pouvons aussi leur servir des repas sur la base un menu unique qui évolue selon les saisons et les envies des clients, mais toujours avec des produits de la ferme » souligne Magalie qui propose également quantité d’animations à la carte (atelier culinaire ou floral, sophrologie…).

Aurélien transforme donc aussi une partie de leur production fermière en viande séchée, paupiettes de poulet, brochettes, rillettes, merguez et autres lasagnes…. Moins de six ans après sa création, la petite entreprise engagée en faveur du développement durable a bien grandi. Elle a créé deux emplois, mais cherche toujours à gagner en indépendance. Dans cette perspective, le couple a déjà installé des panneaux photovoltaïques sur l’exploitation, afin de produire sa propre énergie. D’autres devraient suivre sur les bâtiments d’élevage.

Infos pratiques

  • Ferme Ulysse
  • Route de Bayon
  • 54210 Manoncourt-En-Vermois
  • Tel : 06 58 62 75 86
De la ferme à l’assiette
Un reportage de Jean-Marc Toussaint