
La pente est forte, l’orientation plein sud assure un ensoleillement optimal. Le sol granitique peu profond génère mille souffrances pour la vigne qui produit ici un riesling exceptionnel. Nous sommes sur le prestigieux coteau du Schlossberg, sur les hauteurs de Kaysersberg. Cette terre d’élection du domaine Weinbach a été le premier grand cru alsacien, classé en 1975. Il côtoie l’Altenbourg, le Mambourg, le Marckrain et surtout le Furstentum, réputé pour ses gewurztraminers opulents, considérés parmi les tous meilleurs liquoreux au monde.
Ces 30 hectares de vignes qui s’étendent sur quatre communes entre Kaysersberg et Benwhir sont la propriété du domaine de Weinbach, littéralement « le ruisseau du vin », l’un des plus prestigieux domaines du vignoble alsacien. L’un des plus anciens aussi.
Le clos des Capucins qui enserre l’ancien monastère était déjà planté de vignes en l’an 890, lorsque l’impératrice Richarde en fit don à l’abbaye d’Etval. Vendu comme bien national à la révolution, le monastère a été miraculeusement épargné. Il est passé de mains en mains, tout au long du XIXème siècle, avant d’être racheté en 1898 par deux frères, Théodore et Jean-Baptiste Faller, tanneurs à Kaysersberg.
Dès lors, le domaine est resté dans cette famille et depuis près de 40 ans, il est dirigé par des femmes. Colette, puis ses deux filles, Laurence et Catherine. C’est sous leur impulsion que le vignoble est passé en biodynamie « pour respecter la vie harmonieuse entre la terre, la vigne et son environnement » explique Catherine Faller. Et d’ajouter : « ce que l’on fait, ce n’est rien d’autre que de l’homéopathie appliqué à la vigne ».
Sur la table de l’Elysée depuis Pompidou
Ici on respecte le vivant. On suit le calendrier lunaire pour agir avec des infusions d’ortie, de prèle et de saule mélangées à de la bouillie bordelaise. Parallèlement, on pratique une taille très courte pour limiter les rendements, entre 25 et 35 hectolitres à l’hectare. Le résultat est à la hauteur de cet engagement pluriel. Les vins sont purs, au nez franc, élégants avec une étonnante fraicheur.
Bon an mal an, ce sont environ 1000 hectolitres qui sont vinifiés dans cet ancien monastère avant de partir aux quatre coins du monde. 60% de la production est exportés. Le vignoble produit les sept cépages alsaciens, mais la moitié des foudres sont remplis de riesling. Et les vins du domaine trônent sur les plus belles tables du monde. Dans la région, on les retrouve à l’assiette champenoise ou à l’auberge de l’Ill, deux établissements qui affichent trois et deux étoiles au Michelin. Les vins du Weinbach sont aussi présents sans rupture à l’Elysée, depuis Georges Pompidou. Une marque de reconnaissance, mais aussi une fierté pour cette maison qui entame un nouveau virage, plus masculin. Après Théo, c’est l’autre fils de Catherine Faller, Eddy qui a rejoint l’entreprise familiale, après dix ans de carrière dans la finance, au Brésil.
Et déjà, de nouveaux projets sont en cours. Il est question d’acheter de nouvelles parcelles, de mieux mettre en valeur le clos des capucins, de développer la production de Pinot noir. Ce cépage qui n’a jamais fait la réputation de l’Alsace viticole produit ici un rouge exceptionnel qui a du corps, de la puissance et pas grand-chose à envier aux grands crus de Bourgogne. « Mais avant d’en arriver là, il a fallu travailler la vigne et la barrique » s’amuse Eddy Faller, convaincu de démarrer une nouvelle histoire dont il sait déjà qu’il n’en sera que le dépositaire.