
La cuisine ? Sébastien Buecher a toujours baigné dedans. « A 12 ans, je donnais déjà un coup de main à mes parents. J’adorais travailler le sucre. Quand j’étais disponible, c’est moi qui faisait les soufflés au kirch ou aux fraises ».
Aussi, quand il a fallu se choisir un métier, il n’y pas eu débat. Naturellement, il a intégré le CFA d’Illkirch pour passer un CAP de cuisiner par alternance. Et son apprentissage ne s’est fait que dans des maisons étoilées. « J’ai d’abord passé deux ans avec Jean Albrecht à Rhinau. Ensuite, j’ai fait mon BP à l’auberge du Cheval blanc à Lembach avec Fernand Mischler, puis une mention complémentaire en pâtisserie au Crocodile à Strasbourg avec Emile Jung, un autre grand monsieur de la gastronomie française » raconte-t-il.
Passé cette formation XXL, Sebastien Buecher poursuit ses expériences entre Courchevel et le lac du Bourget au côté de Jean-Pierre Jacob (2 étoiles Michelin) avant de rentrer en Alsace et devenir le second de Jean-Luc Brendel à Riquewihr. En 2000, à 24 ans, il rejoint la maison familiale, l'Auberge Frankenbourg pour travailler avec son père Aimé, trois années durant. Le temps de faire évoluer la carte en douceur pour ne pas brusquer la clientèle. « Progressivement, on s’est éloigné de la cuisine alsacienne traditionnelle pour s’orienter vers la gastronomie ».
Des essais avec les clients
Un choix très vite payant, puisque Sébastien Buecher décroche une étoile au Michelin dès 2005. Une distinction qu’il a su conserver depuis. Il faut dire que la cuisine de Sébastien Buecher est tout sauf banale. C’est une cuisine contemporaine et intimement cosmopolite, inspirée de ses nombreux voyages à travers le monde.
De Bornéo, il a conservé la passion du poivre blanc et du manioc, de l’ile Maurice, celle des épices et de la vanille. En Thaïlande, c’est la coriandre qu’il a fini par adopter. « J’adore cette herbe. Je l’a travaille aussi bien en huile, hachée, en infusion ou cristallisée ». Cette vision planétaire de la gastronomie ne lui fait pas pour autant oublier son Alsace natale, bien au contraire. « L’essentiel de ce que j’utilise vient de la région » précise le jeune chef qui prône une cuisine inventive et sans cesse renouvelée.
Avec son frère Guillaume qui gère la salle depuis 2008, il a instauré « les mardis de la créativité ». « Chaque semaine, pour le diner, je propose quatre nouveaux plats : une entrée, un poisson, une viande et un dessert avec pour objectif de les tester auprès des clients. Ensuite, on corrige, on abandonne ou on poursuit ». Une démarche qui a le mérite de maintenir sa brigade en ébullition constante et qui permet de renouveler totalement la carte toutes les trois semaines ! Si Sebastien Buecher se définit comme un touche à tout de la cuisine, il reste néanmoins très inspiré par les associations viandes-poissons. Ainsi il cuisine l’omble-chevalier avec un bouillon de jambon, de l’artichaut et un voile de cochon de Bigorre. Même chose avec le homard qu’il accompagne d’une purée et d’un ragout de bœuf.
«J’aime aussi exalter des produits moins nobles comme le maquereau ou le choux rave. Au cours des dernières années, je pense que ma cuisine a beaucoup évolué. Elle est plus technique, mais s’est simplifiée en terme de gout. Je fais moins de mélanges. Et en même temps, j’essaie d’apporter un grain de folie, un truc inattendu qui réveille les papilles » Témoin de cette évolution, l’apparition du mono produit décliné de différentes manières. Ainsi, pour accompagner le Saint-Pierre, Sebastien Buecher propose plusieurs déclinaisons de choux fleur : frais, en crème, poché et rôti à la plancha ou aux amandes grillées. Pour le céviche de cabillaud, c’est le potimarron qui apparait en purée aigre-doux, en poudre, en vinaigrette ou juste pochée. Une manière de concrétiser ce qu’aime Sébastien Buecher : une cuisine en mouvement continu, mais non cérébrale. En somme, une cuisine qui se lit facilement dans l’assiette.