
La vie tient quelquefois à un fil. Adolescent, Éric Girardin se rêvait footballeur. « J’avais fait deux vœux d’orientation : le sport étude, sinon l’école hôtelière. Sauf que mes vœux se sont perdus et je me suis retrouvé en électromécanique. J’ai même bossé chez Martel Catal (une entreprise qui fabriquait des bâches tissées à Sélestat) ».
Finalement, après sa formation initiale, Éric Girardin est retourné à l’école hôtelière et il a continué à jouer au foot jusqu’en 3e division nationale. « Pendant onze ans, j’ai fait les saisons. L’hiver, j’étais maître d’hôtel au Bateau Ivre à Courchevel et l’été je travaillais avec mes parents qui tenaient une ferme auberge dans le Val d’Argent ».
La rencontre avec Marylin, sommelière de métier, va tout chambouler. Ensemble, ils font le choix d’ouvrir leur propre restaurant à Strasbourg en 2003. « Depuis l’école, je n’avais pas cuisiné. Il a fallu bosser dur, tout réapprendre seul. J’ai fait la cuisine que j’avais envie de manger, de partager », raconte-t-il.
Cinq ans plus tard, son travail est récompensé par une étoile au Michelin. Mais Éric Girardin ne change rien. Il continue son œuvre d’autodidacte, sans influence. En préservant son identité.
Des cuissons millimétrées
En 2015, le couple s’offre un nouveau défi en rachetant l’historique maison des Têtes à Colmar. L’année suivante, il retrouve son étoile, grâce à une cuisine de goût qui décline le végétal à l’envi avec des cuissons millimétrées et une rigueur de tous les instants. Cette cuisine d’émotion est le fruit de son parcours singulier, hors des sentiers battus.
Éric Girardin aime tout ce qui donne du relief à la cuisine : les poivres, les agrumes, les aromates… Il travaille sans distinction la betterave, le pigeon ou les cuisses de grenouilles qu’il cuit à l’ail des ours pour les servir avec une raviole aux herbes aromatiques arrosée d’un trait de vinaigre à l’huile de noisette.
Sa cuisine est une explosion d’audaces, à l’image de ce céleri rave fumé travaillé avec un bouillon de pastis alsacien ou encore ce bar cuit au chalumeau sur la peau, servi avec des ceps snackés, en purée, rehaussé au gel de bergamote. Éric Girardin joue sur les couleurs, les textures, les saveurs et n’hésite pas à bousculer les standards de la cuisine alsacienne. Témoin cette tarte à l’oignon revisitée ou encore ce munster transformé en mousse, agrémenté de fleurs citronnées et de marc de gewurtz. Pour se concentrer sur son métier, le chef a fait le choix d’un menu unique en sept étapes. « Tous les quinze jours, il y a au moins un plat qui change », reconnaît un serveur. Histoire de travailler chaque produit au meilleur de sa saison.
