
Stramberk, en République tchèque, plus précisément en Moravie du nord au pied des monts Bekdises, est la seule ville où est fabriquée cette pâtisserie à la forme singulière depuis plus de 800 ans. Même beaucoup de Tchèques ne connaissent pas les « Stramberské usi ». Direction donc vers cette bien coquette ville de Stramberk dans l’est du pays, enserrée dans un bel écrin naturel. C’est ici que sept boulangers sont autorisés à produire cette pâtisserie, mais seuls deux d’entre eux travaillent encore de façon artisanale. Ladislav Hezky en fait partie. Sa petite pâtisserie a d’ailleurs été primée à plusieurs reprises pour la qualité de ses oreilles et pour le food festival en 2022, Ladislav et son équipe ont réalisé une oreille géante dont il n’est pas peu fier !

La légende des Mongols
C’est un fait historique (ou une légende ?) qui est à l’origine de cette pâtisserie. Au 13e siècle, l’armée mongole a sévi dans la région. Les habitants chrétiens du village se sont réfugiés sur la colline de Kotouc. Alors qu’il tombait des cordes, ils ont eu l’idée de vider un étang afin d’inonder le camp des Mongols, mettant en fuite les envahisseurs. Le lendemain, les villageois ont retrouvé des sacs contenant des oreilles humaines salées ! Selon la légende, les Tartares tranchaient les oreilles aux chrétiens, les salaient pour les envoyer à leur khan. Pour commémorer cette victoire sur l’ennemi, chaque année, la veille de l’ascension, les habitants de Stramberk préparent des biscuits en forme d’oreille.
Ladislav Hezky, dont la mère a commencé dans les années 60 à produire ces délicieux biscuits, est fabricant agréé. Il produit les oreilles à l’ancienne, artisanales et roulés de façon classique. « Les ingrédients de base sont assez simples, explique-t-il. De la farine, du sucre, des œufs, du miel. Ce qui fait la différence, ce sont les épices. La cannelle, le clou de girofle et la badiane sont les épices obligatoires. Chaque pâtissier, chaque famille, a sa propre recette, puisqu’on est libre d’ajouter d’autres ingrédients. »

À l’étage de sa boutique, ses employées préparent la pâte, la découpent en ronds pour les passer au four très chaud. Après la cuisson, qui est assez rapide, il faut rouler les ronds à la main avant de les placer dans des petits moules coniques afin que les biscuits gardent leur forme en refroidissant. « Quand les oreilles viennent d’être cuites, elles sont encore molles. En refroidissant, elles durcissent et deviennent croustillantes. Quand vous ouvrez le sachet d’emballage, les biscuits redeviennent plus moelleux. »
La Bethléem tchèque
Mais Stramberk (à 270 km de Prague) ne vaut pas seulement la visite pour ses pâtisseries. La jolie petite ville dans la région de la Valachie et des Beskydes, est surnommée la Bethléem morave pour ses ruelles bordées de maisons de bois des 18e et 19e siècle. Dans la grotte Sipka, classée monument national, on a trouvé la mâchoire inférieure de Néandertal. Un petit musée est d’ailleurs dédié à Zdenek Burian (1905-1981), célèbre et prolifique peintre de la préhistoire qui a grandi dans la région.
Des ruelles pittoresques et un dédale d’escaliers mènent aux ruines d’un château-fort et sa tour cylindrique qui surplombent la ville. Par le passé, chaque maison de la place centrale, à tour de rôle, avait le droit de brasser et vendre sa bière. Malheureusement, les arcades en bois qui entouraient la place, ont pris feu, entraînant l’interdiction de faire cuire ce breuvage houblonné… Heureusement que la brasserie communale perpétue la tradition et propose la bière locale, la Trubac.