
Sa cuisine est technique, précise, instinctive, japonisante. Mais avant d’être un chef talentueux et engagé, Charles Coulombeau est d’abord « un gros bosseur » qui n’aime pas faire les choses à moitié. « Je suis en cuisine tous les matins à 6 h. Je dors 4 heures par nuit et j’ai un coté hyperactif, un peu chien fou », admet-il.
Pourtant ce métier est devenu son oxygène au détour du hasard. « Adolescent, je rêvais de devenir basketteur. J’ai intégré un sport étude, mais une fracture au poignet a chamboulé mes plans. L’année suivante, j’ai suivi un copain au lycée hôtelier de Biarritz, mais sans conviction » raconte-t-il. Pourtant dès son premier stage chez Cousseau, l’une des tables landaises les plus renommées (2 étoiles au Michelin), il est initié à la haute gastronomie et c’est le déclic. « J’ai tout de suite accroché à cette rigueur militaire, à cette discipline que j’appréciais dans le sport » se souvient-il. Convaincu d’avoir trouvé sa voie, il s’y engage tête baissée, décroche un bac techno, puis un BTS et multiplie les expériences.
Chef dans un chateau du Sussex
Chez les frères Ibarboure, il apprend « la rigueur ». Chez Michel Guérard, « la sincérité d’une cuisine profonde, faite avec le cœur ». Chez Eric Pars, « une technique millimétrée ». Après six années à côtoyer l’excellence avec une certaine aisance, il traverse la Manche et s’impose un premier challenge à l’étranger. Il est recruté comme second au Gravetye Manor, un relais et château du Sussex. A 26 ans, il en devient le chef, à la tête d’une brigade de 30 personnes cumulant 17 nationalités différentes ! C’est là qu’il découvre une autre facette du métier : le management pour entrainer et fédérer une équipe.
En 2018, l’établissement ferme quelques mois pour cause de travaux. Charles Coulombeau profite de cette parenthèse pour voyager au Japon et se faire embaucher dans un restaurant gastronomique de Yamashiro Onsen, au nord de Nagoya. Le choc culturel est violent, mais fondateur. « Ça a été une révélation. J’ai dû tout réapprendre et j’ai mis des années à digérer ce que j’avais découvert là-bas. Au final, ça a considérablement modifié ma façon d’aborder la cuisine », explique-t-il. De retour en Angleterre, en 2020, il décroche le prix Taittinger (prix culinaire international de cuisine d'auteur) pour le compte de la perfide Albion.
Huit mois pour décrocher une première étoile
Un tremplin qui le met en lumière, générant son lot de sollicitations que le Covid va tuer dans l’œuf. Il rentre en France et c’est un chasseur de tête, mandaté par les propriétaires de « La maison dans le parc » à Nancy qui lui offre un nouveau challenge.
Il rachète cet établissement situé à deux pas de l’emblématique place Stanislas en 2021 et relance l’affaire avec six anciens salariés du Gravetye Manor. Huit mois plus tard, il décroche une première étoile au guide Michelin grâce à une cuisine d’émotion, résolument créative, précise, mêlant fougue et culture culinaire. Une cuisine qui met en avant les légumes ferreux que sont le cresson ou les épinards, mais aussi les produits de la mer, les agrumes... Témoin ce lieu jaune en ballotine dans une algue nori avec un coulis de cresson et du poireau cuit en deux façons, le tout arrosé d’une sauce hollandaise au yuzu. Ou encore ce légume servi en 30 façons, en raviole, en purée, en condiment, en sorbet… Une prouesse technique et gustative que le chef renouvelle avec les saisons autour du chou, du haricot, du radis, de la betterave, de la tomate… Mais son plat signature, c’est assurément ce carpaccio de langoustine au lait fermenté, accompagné d’un bavarois aux pommes et de calamondins (un agrume hybride entre le kumquat et la mandarine).
Cuisine japonisante
La cuisine de Charles Coulombeau, c’est aussi une influence forte de la culture culinaire nippone. « 90% de mes plats y font référence » souligne le chef. C’est notamment visible dans ses assaisonnements. Il fabrique lui-même ses vinaigres japonais, ses sauces au soja, ses sirops fermentés… Il râpe des champignons Shiitake sur ses desserts au chocolat noir « pour leur donner une saveur de sous-bois », fabrique ses caramels miso et ses sorbet shiso. Il n’hésite pas à accompagner ses plats avec du saké, même si sa cave abrite plus de 900 références viticoles. Il tue lui-même les ombles chevaliers livrés par une pisciculture des Vosges, selon la méthode de l’ikéjimé qui évite la diffusion du sang et des acides lactiques dans les chairs, les rendant plus tendres et aptes à la maturation.
Fort de son succès à Nancy, Charles Coulombeau a ouvert deux autres restaurants en 2024 au centre Pompidou de Metz : une brasserie et un restaurant gastronomique intimiste, Yozora (voute céleste en japonais) qui a décroché une étoile au Michelin en 2025, quelques mois après son ouverture. Le jeune chef a également lancé sur les route un food truck pour démocratiser sa cuisine et il fournit deux fois par semaine au resto du cœur à Nancy et au secours populaire à Metz, une soupe solidaire réalisée avec les restes et des parures de légumes, soit 3 tonnes de breuvage distribués en 2024.
Sa vie est un mouvement permanent. « J’ai besoin que ça bouge. Je suis un compétiteur dans l’âme », souligne Charles Coulombeau qui aimerait maintenant ouvrir un restaurant en Asie, « parce que les rencontres, les voyages ont toujours stimulé ma création ». Une création qu’il nourrit en pratiquant la peinture entre deux séances de sport. Il est classé 30/1 au tennis, et joue au foot avec ses salariés pour se détendre. C’est son exutoire, mais aussi une manière de fédérer ses équipes, comme le lui a enseigné son mentor, Olivier Brulard, le chef du château d’Yquiem, avec qui il entretient une relation fusionnelle.
