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Jean-Marc Toussaint

Jean Sulpice, une ode au terroir

# Voyage gourmand# Les bonnes tables

# Haute-Savoie

A la tête d’un établissement mythique, l’auberge du Père Bise au bord du lac d’Annecy, Jean Sulpice y distille une cuisine subtile, créative et audacieuse, en hommage à la Savoie, sa patrie de cœur.

La cuisine de Jean Sulpice est enracinée, créative, vivante, précise, toujours à la recherche de l’accord élégant.

A la terrasse de l’auberge du Père Bise, face au lac d’Annecy, seul le clapotis de l’eau vient perturber la tranquillité des lieux. Ce temple de la gastronomie française qui ravit les papilles depuis plus de 120 ans est d’abord une invitation à la détente. Comme une parenthèse entre le calme plat de l’eau pure et les montagnes d’où elle se déverse. Ici, avant de penser à la bonne chère, on commence par déguster le paysage.

Ce petit paradis, fief familial des Bise a trouvé son nouveau maitre : Jean Sulpice. Lui qui a grandi à Aix-les-Bains, lui qui pense Savoie, vit Savoie et cuisine Savoie était assurément l’homme de la situation. Ici, ce maitre queux appliqué et créatif est en totale adéquation avec son terroir.

Issu d’une famille d’hôtelier-restaurateur, il a grandi parmi les casseroles et s’est très tôt éveillé au bon gout. Naturellement, il a fait ses classes au lac du Bourget, à l’auberge Lamartine, avant de travailler au service de Marc Veyrat, dont il deviendra le second. Il a fait également quelques piges avec Pierre Gagnaire et Alain Solivérès à Paris, mais aussi chez Jean-Georges Klein à l’Arnsbourg en Moselle, tous triple étoilés au guide Michelin.

Un premier restaurant à Val Thorens

En 2002, alors qu’il n’a que 24 ans, il s’installe à l’Oxalys, un restaurant de Val Thorens, situé au pied des pistes, à 2 300 mètres d’altitude. La neige, les difficultés à faire bouillir l’eau et à se faire approvisionner ne le découragent pas. Le jeune homme s’accroche, propose une cuisine légère et inventive qui lui vaut de décrocher une première étoile en 2006, puis une seconde quatre ans plus tard.

En 2016, se présente la chance de sa vie. L’auberge du père Bise, la mythique table de Talloires triplement étoilée de 1951 à 1984, est à vendre. Jean Sulpice et sa femme en deviennent propriétaires et affichent d’emblée leur volonté d’écrire un nouveau chapitre de l’auberge tout en gardant « l’âme de cette maison familiale ».

Rapidement, le maestro des fourneaux est désigné chef de l’année en 2018, par la Gault et Millau et retrouve ses deux étoiles au Michelin avec une idée forte : mettre en avant le terroir savoyard. Depuis, Jean Sulpice est en pleine introspection. Il cherche en permanence à s’adapter au changement climatique et aux nouvelles manières de consommer. « Avant, on allait au restaurant pour se remplir le ventre. Aujourd’hui, on cherche une expérience qui doit avoir du sens » résume-t-il. Ce qu’il a traduit par une cuisine plus verte, plus locale, moins grasse, moins sucrée, plus écoresponsable…

Concrètement Jean Sulpice a banni de sa carte le homard, le turbot, les langoustines pour les remplacer par des produits de proximité. « Pourquoi aller chercher ailleurs ce qu’on a sous la main ? » questionne-t-il.

"Le plus beau métier du monde"

Désormais, il travaille l’omble chevalier au beurre d’épicéa, la fera fumée à la tanaisie, les myrtilles au génépi... Plus que jamais il se veut accompagnateur du monde vivant, de cette nature généreuse qu’il aime sillonner à VTT, mais qui remplit aussi ses assiettes. Il travaille avec le même enthousiasme l’ail des ours et les blettes, des escargots du cru et le cochon fermier.

Confortablement assis dans les fauteuils design de son restaurant, on se régale de son pigeon en croute, de sa mousse de beaufort aux herbes des montagnes, de ces cuisses de grenouilles en tempura. Sa cuisine est enracinée, créative, vivante, précise, toujours à la recherche de l’accord élégant pour offrir de l’émotion. Jean Sulpice aime surprendre ses clients avec des textures différentes et des saveurs qui ne se révèlent pas tout de suite. « J’ai la chance de faire le plus beau métier du monde. Je rends les gens heureux autour d’un repas » observe-t-il. Cet amour pour son territoire, Jean Sulpice en a fait sa marque de fabrique. Il se prolonge jusque dans les assiettes réalisées pour l’essentiel par des potiers du cru. En circuit court.

Matelote du Lac à la tanaisie. Photo Thomas Dhellemmes.

Infos pratiques

Auberge du Père Bise

303 route du Port

74 290 Talloires-Montmin

Tél : 04 50 60 72 01

Jean Sulpice, une ode au terroir
Un reportage de Jean-Marc Toussaint