
Penchée sur sa machine à coudre, Aiata (littéralement, la femme mangeuse de nuages, en tahitien) répare la voile d’un catamaran. Dans son petit atelier de couture sont accrochés divers vêtements qu’elle a confectionnés. À Rangiroa, le plus grand atoll de Polynésie, vivre de sa petite entreprise n’est pas toujours simple. Et pour cause : il n’y a que 3.500 habitants sur cette île paradisiaque des Tuamotu, et un seul bateau assure le ravitaillement une fois par semaine. Le système D est donc de rigueur. L’entraide aussi. « On est habitué à vivre simplement et en autarcie », explique Aiata en observant depuis sa fenêtre un bateau qui rentre de la pêche, « des cousins » qui rapportent de quoi nourrir la famille pendant au moins dix jours.
Ainsi va la vie en Polynésie. Tranquille, sans pression. En dehors de l’île de Tahiti, qui concentre les deux tiers de la population, les habitants des petites îles sont globalement peu salariés. « À Huahine, on dénombre à peine 300 emplois pour 6.000 habitants. Beaucoup de gens vivent encore de la pêche et de la culture vivrière. C’est une société qui est restée très traditionnelle, voir tribale. Ici, il est encore courant de laisser allumer la lumière dans la maison pour faire fuir les esprits », raconte Renaud Coquille, directeur de l’hôtel Maitai Lapita, qui estime qu’il n’y a pas « une Polynésie, mais des Polynésies ».
Ces terres de basalte et de corail, lovées dans des lagons de jade, constituent en effet le plus grand territoire marin de la planète : 5,5 millions de km², soit une superficie grande comme la moitié de l’Europe. Mais dans ce décor d’eau, la totalité des 118 terres émergées ont une surface équivalente à celle d’un demi département français.
Un aquarium à ciel ouvert
Bref, la Polynésie française est une terre minuscule sur un territoire gigantesque. Mais quelle terre ! Cerclés d’un halo turquoise, ourlés de sable blanc, bordés de cocotiers, ou dominés par des sommets de plus de 2.000 m, ces anneaux coralliens sont comme posés sur l’océan. La Polynésie est un aquarium à ciel ouvert, un continent aquatique avec des habitants d’une gentillesse et d’une douceur rares, symbolisées par ces colliers de fleurs ou de coquillages offerts partout en signe de bienvenue.
Tout est réuni ici pour que le visiteur s’interroge. Et si la vraie vie était ici ? Beaucoup de métropolitains ont franchi le pas. Ils travaillent principalement dans le tourisme, la première activité de ces îles qui accueillent annuellement quelque 200.000 visiteurs. Pour ces touristes, les sports nautiques (voile, pirogue, jet ski…) constituent encore le meilleur moyen de découvrir les lagons, et les plages isolées. L’intérieur des iles à l’image de Tahiti est souvent luxuriant et propice à la randonnée. A Huahine, dans les iles de la société, l’ascension du Mont Tapu à 429 mètres d’altitude est une belle randonnée qui offre des panoramas extraordinaires sur les baies déchiquetées et les motu de la barrière récifale, réputés pour ses spots de surf. Ici point de gros hotels luxueux comme à Bora Bora, mais des pensions de familles plus modestes, plus authentiques aussi. Cette ile reposante abrite à Maeva des vestiges archéologiques dédiésau culte qui rappelle l’importante du pouvoir royal dans ces iles voici encore quelques siècles.
Au pays du paréo, du monoï, sur ces terres jadis explorées par le naturaliste Charles Darwin, le visiteur du XXIe siècle peut parfois être désemparé par une forme de plénitude que l’on appelle ici le mana, cette force spirituelle qui entoure tous les Polynésiens. Pour toutes ces raisons, Tahiti et ses îles sont une destination étonnante, bien plus complexe que l’image de carte postale véhiculée en Europe. En somme une vraie perle aux reflets colorés, à l’image de ceux que produisent les huîtres d’ici, dans les eaux transparentes du Pacifique.
Coup de cœur
Du vin en Polynésie
Des vignes sur un îlot du Pacifique, bordé d’un côté par des cocotiers et de l’autre par le lagon. L’image est saisissante. Depuis 2003, Dominique Auroy, un Normand qui a fait fortune dans la production d’énergie, produit du vin à Rangiroa, à une heure de vol de Tahiti. « Les premiers essais ont eu lieu en 1992 sur différentes îles. Le choix s’est porté sur Rangiroa parce que la vigne s’y est bien comportée, mais aussi en raison de l’absence de maladies cryptogamiques et d’insectes défoliateurs sur l’atoll. « Au Moinsune quarantaine de cépages ont été essayés et nous avons choisi le carignan, le muscat et le grenache », explique-t-on au domaine. Autre particularité : la plantation de six hectares est vendangée deux fois par an, ce qui permet de produire annuellement 38.000 bouteilles de blanc sec et moelleux ou de rosé. La production est vendue à 90 % en Polynésie française.