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Claude Vautrin

Îles Chiloé: bois noble et air pur

# Voyage Nature

# Chili

Face à la Patagonie chilienne, l’archipel côtier de Chiloé partage volontiers ses petits trésors d’architecture en bois et ses joyaux naturels. Une gastronomie goûtue, à base de produits de la mer, l’amabilité des Chilotes, des paysages et des légendes réveillant l’imaginaire ajoutent au plaisir insulaire.

A Chiloé, Castro est réputé pour ses palafitos colorés, les maisons en bois de pêcheur.

De toutes les légendes, parfois inquiétantes, qui courent sur l’archipel de Chiloé, une quarantaine d’îles et d’îlots posés au large de la Patagonie chilienne, l’une a ma faveur : la Pincoya, aux longs cheveux couvrant la nudité, séduisante à souhait, née d’une mère, fille de machi (chaman), et d’un père hybride issu d’une femme et d’un lion de mer. Tout y est : la bienveillance, la spiritualité ouverte au monde, la nature. Beau résumé de ce que peuvent offrir Chiloé, l’archipel et sa grande île côtière, séparée du continent par le canal de Chacao. En prime, la Pincoya, personnage incontournable et généreux de la mythologie chilote, danse parfois sur les vagues. Qu’on la surprenne sur le rivage, tournée vers la mer, et l’année sera foisonnante en coquillages. De quoi assurément réjouir, tant la gastronomie, accommodée à la sauce locale, est friande d’huîtres, de palourdes, de moules parfois géantes, entre autres crustacés et poissons !

La feria artisanale de Dalcahue

Une île n’est pas peuplée de pêcheurs pour rien ! Même si, en un apparent paradoxe, comme ils le sont souvent, le nom Chiloé vient de Twillwe signifiant lama en mapudungun, la langue Mapuche. L’archipel abrite en effet davantage de moutons que de camélidés andins, et se révèle, dans son parc national bordant le Pacifique, le refuge d’une faune plus étrange celle-là, riche en otaries à crinière, renards de Darwin, pudus - le plus petit cerf du monde - et autres marsupiaux monitos del monte, ces minuscules colocolos.

Nouvelle illustration des pépites agrémentant la découverte, la nature inspirant forcément la culture. Peut-être faut-il là alors revenir aux origines. Présentes dans l’archipel, les communautés indiennes perpétuent les traditions. A travers l’art de travailler la laine notamment. Une halte à la feria artisanale de Dalcahue, comme dans d’autres marchés villageois, confirme. Audace des couleurs, qualité des tissus : le savoir-faire, « authentique », s’impose naturellement.

Eglise Notre-Dame-de-Lorette à Achao, construite en bois d'alerce et de cyprès, sur l'île de Quinchao

Eglises et cimetières en bois

Les apports qui ont suivi, parsèment l’archipel de petits joyaux d’architecture, en bois cette fois. Construites par les Jésuites, très actifs dans la région, restaurées dans le respect de maîtres charpentiers réputés d’alors, on compte ainsi près de 150 églises, dressant pour la plupart leur clocher caractéristique à deux ou trois étages. Modestes comme à Nercon, Chonchi, Dalcahue ou Huillinco. Ici l’édifice religieux d’un rouge ardent veille sur un cimetière traditionnel, une sorte de réplique miniature, armé pour l’éternité, du village proche aux maisons couvertes de bardeaux protecteurs. Les Huiliches, ces Mapuche pêcheurs ne construisent pas de monuments de pierre. Ils réalisent donc leurs sépultures, avec le même matériau que leurs maisons et leurs bateaux. La maisonnette/tombeau, prête à accueillir tout visiteur, exprime aussi le sentiment de ferveur perpétuelle que les défunts éprouvent pour leurs proches.

Inscrite comme quinze autres édifices religieux de l’île au patrimoine mondial de l’UNESCO, l’église d’Achao sur l’île de Quinchao, à l’est de la Grande île, sort, à l’évidence, de l’ordinaire. Ni clou, ni pièces de métal, et un impressionnant plafond de bois sculpté, une chaire, elle aussi, de toute beauté.

Tejuelas et palafitos

Le bois vit tout autant ses lettres de noblesse dans un autre savoir-faire architectural local, dicté par les conditions météorologiques : les Tejuelas, ornementant autant qu’elles protègent les façades et les toits de nombreuses maisons chilotes. S’il est un lieu à privilégier pour s’en convaincre, il faut rejoindre, toujours sur l’île de Quinchao, le village de Curaco de Velez où ces planchettes de bois d’alerce superposées telles des ardoises, aux teintes qui plus est naturelles, font merveille.

Dans l’éventail culturel et traditionnel du bâti chilote, les palafitos, ces maisons de pêcheurs sur pilotis en bois, participent à l’identité de l’archipel. Dans le quartier de Gamboa, la bourgade de Castro en abrite de superbes. Que la marée soit haute ou basse, chaque moment vibre pour le photographe. Les couleurs vives dominent, le bâti est adapté au climat, au labeur de ses occupants, les bardeaux sont en mélèze, les bateaux à portée de main.

Dans la région de Cucao, sur la côte Pacifique, non loin du parc national Chiloé

Tout un programme d’air pur

L’autre attrait majeur de Chiloé tient à un environnement naturel, entre terre et mer, lui aussi des plus variés. Direction, l’Ouest, le Pacifique, ses plages ventées et ses landes où s’épanouissent des rhubarbes géantes, les nalcas. A Cucao, où le saumon est roi, l’étonnant pont Chanki en forme de bateau ouvre l’accès à la plage de Colé Colé. Tout un programme d’air pur à humer sans retenue. Pour une dépense d’énergie instructive, le parc national de Chiloé est à deux pas. Avec ses forêts de tepu, au miel savoureux, de meli, d’alerce et sa faune spécifique mêlant zorro de Darwin, chungungo, la loutre marine, pudu, sur un littoral qui est aussi le refuge de pingouins et d’otaries. A l’extrémité sud de l’île, le Parc Tantauco, une réserve naturelle privée de 1 180 km², garantit, lui aussi, quelques belles surprises.

Si lacs et lagunes multiplient les occasions de balades, il faut à l’évidence se perdre sur des pistes s’éloignant de la Panaméricaine filant depuis l’Alaska pour vivre ici son terme. C’est dans ces recoins de vallées côtières, dans ces collines verdoyantes, dans la plongée inattendue, au détour d’un virage, sur une mosaïque d’îlots, dans le partage des jeux de cygnes à col noir, dans ces panoramas ouvrant parfois sur les sommets enneigés des Andes que vit le plus sans doute l’âme chilote.

Le fameux Curanto

Elle s’exprimera à coup sûr dans le partage d’un Curanto, ce plat traditionnel à base de viande, fruits de mer, pomme de terre et galette de maïs, le tout cuit en terre sur des pierres chaudes, ou de milcaos, des galettes à base de pomme de terre, l’autre ressource nourricière de l’archipel qui, à la Saint-Jean, change de vocation. La tradition le veut ainsi. En ce jour de solstice, que les pommes de terre auparavant placées sous le lit se révèlent ou non pelées, dépendra l’abondance ou pas de l’année à venir. En un lendemain incertain, que la chaussure jetée par la porte du Chilote retombe ou non la pointe vers l’extérieur, découlera son maintien ou pas à la maison. Avec ou sans pelures, avec ou sans chaussures, je choisis personnellement de reprendre la route. Il y a tant à découvrir.

Coup de cœur

Puerto Montt, la porte du sud

Puerto Montt, une belle escale entre la région des lacs et le nord de la Patagonie 

Ils sont là, à deux pas du port, veillant sur la mer, et des horizons d’aventure, un œil discret tourné vers la ville, son agitation mesurée. Ils sont là, un couple d’amoureux géants, main dans la main, cœur à cœur, statufiés pour l’éternité. Porte d’entrée de la Patagonie chilienne, « là où commence le sud », disait l’écrivain chilien Luis Sepulveda, Puerto Montt leur offre une vue imprenable sur l’île de Tenglo, les volcans enneigés des Andes et les mille et une merveilles à découvrir.

Alors ville étape, Puerto Montt ? Sans doute. La flânerie n’en reste pas moins agréable, bercée par les vents, attentive à un parfum de fleurs, un jour de printemps, au marché d’Angelmo, au son de cumbia s’échappant du Baradero Pub ou aux effluves d’un restaurant sur pilotis préparant un curanto de moules géantes.

A quatre kilomètres du centre, à l’est, la station de Pelluco s’invente des airs de station balnéaire avec ses bars, ses discothèques, ses restaurants dont les terrasses s’ouvrent sur des plages dont la température de l’eau varie bon an mal an entre 11° et 16° !

Les moins entreprenants s’offriront une balade au mirador Manuel Montt pour s’ouvrir les horizons, ou partiront à la découverte de la jetée et de la Place d’Armes où se dresse la Cathédrale en bois d’alerce en 1856 en bois d’alerce, prémices des découvertes à venir un peu plus au sud sur l’archipel de Chiloé et la Patagonie chilienne.

Infos pratiques

Contact

  • Chile.travel +56 2 27318337  tourismeatiende@sernatur.cl https://www.chile.travel/
  • Vol Paris /Santiago du Chili via Latam, Air France, Lufthansa ou Iberia Vol Santiago Arturo Merino Benitez/Puerto Montt (environ 1h50)
  • Passeport en cours de validité, valable pour la durée du séjour, et six mois après la date de retour. Les mineurs, quel que soit leur âge, doivent avoir un passeport individuel.
  • La monnaie locale est le peso chilien. La CB est acceptée dans les hôtels et restaurants et dans nombre de commerces. Retrait facile d’argent (DAB). Pourboire d’environ 10% recommandé.Grande île de Chiloé 190 km de long sur 60 km de large
  • Un ferry relie environ toutes les 20 minutes en journée et 24h/24 le continent et la grande île de Chiloé. Le port de Pargua est situé à 60 km au sud de Puerto Montt et celui de Chacao au nord-est de l'île

À voir

  • Puerto Montt Office municipal de tourisme - Antonio Varas 415, 5502821 Puerto Montt – Tél +56 65 222 3016La Place d’Armes, l’église des jésuites, les miradors. Marché typique Caleta de Angelmo, sur le port : artisanat régional, tous les week-ends marché de fruits et de légumes. Excursion en bateau sur le canal de Tenglo.
  • Grande île de Chiloé Seize églises en bois de Chiloé sont protégées comme patrimoine culturel de l’humanité : les églises d’Achao, de Caguach et Quinchao à Quinchao, de San Francisco, Rilán et Nercón et Chelín à Castro, de Aldachildo, Ichuac et Detif à Puqueldón, de Villupulli et Chonchi à Chonchi, de Tenaún, San Juan et Dalcahue à Dalcahue. Voir sur internet : Églises de Chiloé - UNESCO World Heritage Centre.
  • Le parc national Chiloé de 9h30 à 17h30 – Tél +56 65 253 2501. Le parc longe le Pacifique à l’ouest de la grande île : forêt pluviale, cours d’eau, lagunes, dunes, plages. 110 espèces d’oiseaux, dont des ibis, aigrettes, mouettes rieuses, cormorans…
  • Foire artisanale de Dalcahue sur l’estuaire. Tous les jours, marché dominical plus important (articles en laine, teints à la main avec des pigments naturels, tissages de Chiloé).
  • Parc Tantauco, réserve naturelle privée de 1 180 km² située à l'extrémité sud de l'île de Chiloé – Visites à la journée possibles. Tél +56 65 253 2696. https://www.parquetantauco.cl/

Restaurants/Bars

Hôtels

  • Ibis Puerto Montt, Avenida Diego Portales 1001. Bien situé au centre-ville - Tél +56 65 222 7400
  • Esmeralda 266, 5700561 Castro. Très bon emplacement au centre-ville – Tél +56 65 263 7900
Îles Chiloé: bois noble et air pur
Un reportage de Claude Vautrin