
Au bout d’une piste traversant un plateau pierreux, Chinguetti apparaît comme un rêve longtemps caressé. La ville s’ouvre sur le grand désert : une mer de sable qui se prolonge jusqu’à la frontière du Mali, à 600 km de là. Ces vagues de sable blond qui se perdent dans l’horizon sont le théâtre d’un combat permanent entre l’homme et la nature. Dans cet environnement aride (il ne tombe que 65 mm d’eau par an), les dunes de l’Ouarane mangent les arbres, grignotent
Les plateaux, envahissent les hommes. Ici, on comprend mieux les avantages de porter sa maison à dos de chameau. D’ailleurs, la ville d’origine, construite en 777, a été totalement ensevelie. Celle du XIIIe, bâtie en pierres sèches et classée au Patrimoine mondial de l’Unesco, a été sauvée au début des années 2000, grâce à des fonds de l’Europe. Dans certaines rues, jusqu’à trois mètres de sable ont été dégagés ! Mais la lutte continue. « Elle est sans fin », confie un habitant. La cité, qui a longtemps été l’une des sept villes saintes de l’islam, est devenue une ville musée, où sont conservés dans plusieurs collections privées des ouvrages remarquables. Les plus anciens datent du XIe siècle. Il y a là des livres d’astronomie, de mathématiques, des ouvrages de poésie écrits à la plume d’autruche sur de la peau de gazelle, des livres sur le soufisme, tous conservés dans des boîtes en carton ! Les habitants y sont rares. À son apogée, Chinguetti comptait 70.000 habitants. Il en reste à peine 5.000, et la plupart ont migré dans la ville nouvelle construite dans les années cinquante autour de Fort Saganne, ultime vestige de la colonisation française, rendu célèbre par le film éponyme tourné en 1984 avec Sophie Marceau, Gérard Depardieu et Philippe Noiret.
Partout l’hospitalité est aussi grande que la pauvreté
En quittant Chinguetti, on pénètre l’Adrar, pays d’aventures décrit avec passion par Saint-Exupéry et Théodore Monod. Ici, l’empilement des reliefs tabulaires a donné naissance à des paysages de grande ampleur. Le randonneur y arpente un environnement chaque jour différent, évoluant tantôt dans de profonds canyons cernés de dunes, tantôt sur des plateaux rocheux ciselés d’oueds asséchés et débouchant sur d’improbables oasis de verdure. En hiver, Tergit, Toungad ou H’maireth, ces palmeraies du désert, sont dépeuplées. Seuls quelques habitants y demeurent à l’année. Il faut attendre la guetna, la récolte des dattes en été, pour y trouver l’effervescence.
L’Adrar abrite également quelques sites néolithiques et des peintures rupestres assez bien conservées. Des girafes et autres animaux des savanes dessinés sur la roche il y a près de 4.000 ans témoignent que la région n’a pas toujours été désertique. Ces paysages enchanteurs, presque vierges, dépouillés de toute infrastructure touristique, sont parfaits pour se ressourcer. Forcément, le contact avec la population est clairsemé. Le marcheur peut être plusieurs heures à mettre un pied devant l’autre avant de croiser un éleveur de chèvres ou de chameaux en quête d’eau et de fourrage. Il traverse quelques villages perdus comme Maaden, là où Pierre Rabhi a initié des jardins écologiques et la création d’une coopérative, offrant à cette population isolée et négligée une nouvelle autonomie. Partout l’hospitalité est aussi grande que la pauvreté, et le visiteur n’échappe pas aux triples tournées de thé à la menthe, toujours plus sucrées : la première amère comme la vie, la deuxième douce comme l’amour et la troisième suave comme la mort.
Ici, tout ramène l’individu à la naissance du monde et à des choses simples, en dévoilant dans une palette infinie de formes et de couleurs une Mauritanie attachante et traditionnelle.
Coup de cœur
L’œil de l’Afrique
Le dôme de Richat, de son vrai nom Guelb er Richât, est une construction géologique singulière située en Mauritanie dans le Sahara oriental. Plus précisément à quarante kilomètres de Ouadâne, une ville implantée aux confins du massif de l’Adrar. Cette "œuvre d’art géologique", en forme d'oignon est surnommée l’œil de l’Afrique. Contrairement à ce que l’on a longtemps pensé, il ne s’agit pas de l’impact d’une météorite mais « d'un accident tectonique circulaire, en boutonnière ». Ce dôme provient d’un phénomène assez rare qui s’est traduit par la remontée de grandes quantités d’eau et de magma dans la couche terrestre, formant des anneaux concentriques sur une cinquantaine de kilomètre de diamètre. Selon la communauté scientifique, le phénomène se serait produit il y a 100 millions d’années, mais il n’est vraiment connu que depuis le début du XXème siècle. Logique puisque c’est depuis les airs qu’il s’observe le mieux ! D’autres structures géologiques de ce type existent sur la planète, mais elles sont beaucoup plus petites. Leur taille ne dépasse guère les deux kilomètres de diamètre. De par la composition de ses roches, le Guelb Er Richat reste un formidable terrain de jeu pour les géologues du monde entier. A noter que cette curiosité est proche d’une autre : le Mont Kedia d'Idjil, plus haut sommet de Mauritanie, connue pour affoler boussoles et les montres à balancier en raison de son fort magnétisme