
Au cœur de vastes forêts unissant la Bohème et la Bavière, dans la région de l'Arber, c’est le pays des « faiseurs de verre », comme ces artisans d’art aiment s’appeler. Face à l’industrialisation, ils persistent à exercer cet art séculaire et exigeant. Ici, dans la région de l’Arber – le plus haut sommet du massif forestier -, se trouve d’ailleurs une des rares écoles de la profession. Des étudiants du monde entier y viennent pour s’initier à cet art du feu. « Mais pour être souffleur, au bout de trois ans de formation à l’école, il faut encore travailler dix ans avant de pouvoir prétendre vraiment savoir le métier, » explique Alois Adam, responsable de la fabrication de Joska, dont la production est vendue dans le monde entier.
Joska, le poids lourd
En plus des fragiles services de verres et autres flûtes, les faiseurs du verre travaillent également à la commande et exécutent des pièces uniques les plus farfelues comme cette flûte de champagne pour 40 litres de bulles. Mais c’est probablement la fabrication de trophées qui a sauvé la cristallerie, lui permettant de s’agrandir et d’affirmer sa place sur le marché. Des stars comme Catherine Deneuve, Arnold Schwarzenegger ainsi que des grands sportifs dont chaque vainqueur d’étape du Tour de France, ont déjà reçu des trophées estampillés « Joska- Bodenmais ».
« C’est notre spécialité, affirme Alois Adam. Même s’il n’en faut produire qu’un seul pour un événement particulier, nous le faisons. Il en va de notre réputation. Pour un trophée de taille normal, il faut compter environ 15 heures, depuis le soufflage à la gravure. Tout doit être fait main. »
Du petit atelier au Paradis du verre
En s’installant comme souffleur de verre à Bodenmais en 1960, Josef Kagerbauer n’a certainement pas imaginé qu’un jour, Joska deviendra le « paradis verrier », attirant chaque année un million de visiteurs !
Cela fait longtemps que son ancien atelier au cœur de la petite cité ne peut plus accueillir autant de monde. Il est entièrement réservé à la production, tandis que l’entreprise a construit un vaste site à l’extérieur de la ville, véritable lieu de loisirs. L’immense magasin présente tout ce que les verriers savent faire, verres, carafes, objets décoratifs, vases, lustres, trophées … Dans un atelier, les souffleurs de verre font des démonstrations, une exposition montre les matières nécessaires à la production du verre, les différents moules taillés dans du bois. Chaque visiteur peut s’essayer au soufflage en fabriquant une boule à remplir d’eau et à piquer dans un pot de fleurs. Le circuit de la visite passe devant d’autres ateliers permettant d’observer les artisans au travail. « Sur nos 200 salariés, 85 travaillent dans la production, faiseur de verre, souffleur, graveur, peintre… Chaque pièce est soigneusement examinée avant de quitter l’entreprise », affirme Alois Adam.
Mais attention, tout ce qui est mis en vente n’est pas produit sur place. Une partie de la production est sous-traitée, certaines pièces de grande série achetées ailleurs. Une façon de pouvoir proposer des articles à des prix plus accessibles pour des visiteurs moins regardant sur la provenance des objets.
Un terrain de jeux et des animations occupent les enfants, un traditionnel « Biergarten », jardin de bière, propose des spécialités culinaires de la région. Tout le site est abondamment décoré. Avec des objets en verre, évidemment.
Certes, on peut critiquer ce développement commercial tendant vers un « Disneyland du verre ». Il n’empêche que cela permet de perpétuer le savoir-faire et de signaler que le site est parfait pour une sortie en famille.
Arnbruck, le village de verre
C’est un véritable « village de verre » qui attend les visiteurs à Arnbruck. Là aussi, tout est fait pour permettre de passer une journée sur place, où tout tourne autour du verre si précieux. Dans la famille Weinfurtner, la tradition remonte 1500 ans en arrière, en Bohème. Mais ce n’est qu’en 1969 que le fondateur de la cristallerie actuelle à Arnbruck, Oskar Weinfurtner, construit un premier petit bâtiment. Au fil des ans, avec le soutien de ses deux fils, la société prend de l’ampleur. Toute la famille est partie prenante dans cette belle aventure et il n’est pas rare d’entendre les plus jeunes enfants faire de la musique et chanter dans le parc verrier entourant les ateliers, fleuri et décoré, ici aussi, d’objets en verre.
Frauenau - Lorsque le verre se fait art
Une tout autre ambiance règne dans le village de Frauenau, étape incontournable sur la Route du Verre. C’est ici que la famille Eisch sublime le verre depuis 300 ans. Les descendants d’une longue lignée d’artisans verriers, ont ouvert leur atelier il y a 70 ans pour ennoblir le verre qui représente la fantaisie, la couleur, le savoir-faire technique, l’art. Lors d’une visite guidée, les visiteurs apprennent tout sur le processus de la fabrication, sur l’histoire de la famille et découvrent aussi quelques objets insolites en verre comme un orgue ou une trompette.
Si dans la boutique et la galerie, on trouve la collection complète ainsi que des pièces uniques de la série « poésie en verre », il n’y a pas de grandes quantités de disponible. Chez les Eisch, on ne travaille qu’à la commande, tout est fabriqué exclusivement sur place. Pour obtenir leurs pièces uniques, les clients patientent volontiers deux à trois mois. C’est chez Eisch que la cour d’Angleterre a commandé 150 portes-bougie avec l’emblème royal. Des princes arabes, des riches Russes et des Chinois ainsi que des hôtels de luxe comptent parmi leurs clients. Chaque pièce est soufflée, taillée, gravée et peinte à la main.
Le verre à travers les époques
L’atelier Eisch jouxte le parc municipal où une vingtaine d’œuvres d’art montre toutes les possibilités d’expression à travers le verre, ainsi que le musée du verre. Dans une mise en scène plaisante, ludique et accessible, les visiteurs traversent l’histoire, découvrent des réalisations simples ou luxueuses avant d’entrer dans l’ère de l’industrialisation. Depuis des verres historiques jusqu’à des réalisations contemporaines, c’est tout l’univers du verre qui s’ouvre aux visiteurs. Tout un département est dédié à la vie des verriers, à des témoignages vivants.
Coup de cœur
Le petit château à Theresienthal

Ce petit, très petit, musée du verre appelé amoureusement « petit château » par les membres de l’association qui en prennent soin, mérite la visite. L’ambiance particulière et un peu feutrée qui y règne, convient à merveille aux magnifiques pièces qui y sont exposées. La manufacture de cristal de Theresienthal, créée à l’initiative du roi Louis I de Bavière et de la reine Theresia, y a produit des verres précieux pour la cour royale de Bavière, pour Napoléon III, pour les tsars… On remarque les pièces créées pour Louis II qui, en couleur rubis et décorées d’or, trônaient jadis dans le château de Neuschwanstein. Après ce voyage à travers les fastes du XIXe siècle, quelques pas mènent vers la manufacture actuelle. Là aussi, on peut observer les souffleurs sur verre à l’œuvre.