
Nord de l’île de Santo Antão, Cap-Vert. La roche est de couleur ocre, teintée du vert d’une végétation en équilibre instable, sous influence océane. Vertigineuse est la pente plongeant vers les eaux tumultueuses. Le chemin côtier serpente à flanc de falaise depuis Ponta do Sol, son minuscule aérodrome désaffecté, ses maisons colorées battues par les alizés, sous la menace d’une nouvelle éruption volcanique dans ce point chaud de la planète. Aménagée au XVIIème siècle par des esclaves, rêvant sans doute de tracer ainsi leur chemin de liberté, la voie pavée flotte entre mer et ciel, défiant le vide abyssal. Striés par des coulées de lave noire, sculptés par les débordements terrestres, les vents du large… : les paysages sont stupéfiants. Les mains de l’homme y contribuent quand la pente s’adoucit pour faire place à de frêles terrasses gorgées de canne à sucre, de fruits, de légumes… Situé en plein océan Atlantique, à 500 km des côtes du Sénégal, l’archipel du Cap-Vert, constitué de deux groupes d’îles volcaniques, Barlovento, au vent, et Sotavento, sous le vent, regroupe une dizaine d’îles au total développant chacune une personnalité naturelle forte.
Le village perché de Fontanhias
Sur la plus occidentale, Santo Antão, l’homme a visiblement appris à se jouer du pire. Comment en douter, à la vue du village perché de Fontanhias, pris en tenaille entre des hauteurs aussi arides qu’hostiles, et les à-pics jardinés par on ne sait quelle magie manuelle. Plus loin un hameau à l’abandon dresse ses murets de pierre face à l’océan, rappel des limites à ne pas dépasser, puis le chemin pavé zigzague à l’assaut du relief pour rejoindre, en longeant à nouveau la côte, le village de Formiguinhas. Des éclats de voix attirent l’attention vers un espace bordé de quatre bancs de pierre aux couleurs vives. Au centre de la place publique qui est aussi cour de récréation de l’école n°4, un autel de rue abrite un saint statufié. A deux pas de la nature sauvage, un jardinet déborde de parfums, de couleurs. Le Cap-Vert s’offre ainsi, entre le calice aux lobes roses d’un Sesuvium, un buisson de Nauplius au jaune vif, des grappes de baies rouges, et des cris enjoués d’enfants, gesticulant à l’ombre d’un acacia. Une fois un bel échange accompli, la randonnée côtière se poursuit jusqu’au petit port de pêche animé de Cruzinha da Garça. Au loin se découpe la masse tabulaire du Monte Verde dominant l’île voisine de São Vicente.
Mindelo, la musique et la Diva aux pieds nus
La haute terre de randonnées qu’est Santo Antão laisse place au fief de la morna, la musique chère à Cesaria Evora : l’île de São Vicente. Une heure de ferry sépare du gentil remue-ménage des quais de Porto Novo, Mindelo lovée dans la magnifique baie de Porto Novo. Outre de beaux édifices datant de la période coloniale, dont le marché couvert et le Palais du peuple, la balade vous conduit instinctivement vers ce qui fit la réputation de la seconde cité de l’archipel : la musique. Les petits bars musicaux n’attendent que la nuit, chaude cela va de soi, pour s’exprimer, et perpétuer la mémoire de la Diva aux pieds nus, native des lieux. Un petit musée émouvant l’honore d’ailleurs. Impossible de résister ! Au réputé Jazzy Bird Bar Pub, les plaintes de la morna, les envolées accordéonesques du funana, longtemps interdit pour ses appels à la justice et à la liberté, la coladeira, animent les soirées.
Lac salé et désert !
Toujours au vent, l’île de Sal, la plus au nord, réjouit les amateurs de kite surf ou de farniente sur des plages de sable fin. De gros complexes hôteliers ternissent quelque peu le naturel des lieux que l’on retrouve dans l’atmosphère festive de Santa-Maria, le village devenu balnéaire, et plus encore à Pedra de Lume, et son étonnant lac salé occupant le cratère d’un volcan éteint, site d’une ancienne mine de sel. Une autre surprise naturelle, et autre planète assurément, attend le visiteur au nord-ouest de l’île voisine de Boa Vista. Entre les bourgades de Rabil et de Bofarreira, place au très réel désert de sable de Viana ! Sur la côte septentrionale de l’île, l’épave du Cabo Santa Maria, un cargo espagnol qui s’échoua en 1968, fait également sensation. Le charmant port de Sal Rei abrite d’ailleurs un Musée des Naufragés, une expérience à vivre là aussi.

Fogo, l’île volcan
Direction maintenant le sud de l’archipel et Sotavento, les îles sous le vent, à savoir Santiago, et Praïa, la capitale du pays, Fogo, l'île volcan, Brava, l'île aux fleurs et Maio et sa réserve de biosphère de l’Unesco.
Sur la bien nommée île de Fogo, l’île du feu, le volcan, Pico de Fogo, dresse la pointe de son cône à près de 2900 mètres d’altitude. La dernière éruption s’est soldée par la destruction de deux villages. Sa caldeira n’en est pas moins une terre hautement fertile, renforçant la communion de la population avec le stratovolcan. Destructeur, le « Grand homme », son nom de toujours, sait aussi être généreux. Arbres fruitiers, légumes, vignes : tout pousse ici, en une altitude fécondante en rosée, en brouillard bienfaiteur, dans un archipel davantage soumis aux plaies du feu solaire.
Praïa , balade dans le vent
Ce dernier n’épargne pas Praïa, la capitale de la République du Cap-Vert, posée sur la côte sud de Santiago, sa plus grande île. Il faut se perdre, vigilant, sur « le Platô», le centre de la vieille ville dominant l’océan, se restaurer dans le quartier de l’Achada, tout aussi riche en boutiques, ou non loin de là se plonger, toujours sur ses gardes, dans le très populaire marché de Sucupura. Les plages ne sont pas loin. A 3,5 km du centre, érigé sur Ponta Temerosa, la pointe méridionale de l’île, le phare octogonal et blanc de Dona Maria Pia (1881) est le cadre d’une belle balade dans le vent.
Coup de cœur
Santo Antão évidemment

Mon coup de cœur au Cap-Vert ? Sans aucun doute, l’île Santo Antão. Si les sons de Mindelo, la voisine, à une heure de navigation, et de ses bars endiablés pouvaient faire pencher la balance, incontestablement les reliefs escarpés de l’île la plus occidentale de l’archipel l’emportent. D’autant plus aisément que la morna, le funana, la coladeira, entre autres musiques typiques capverdiennes, s’entendent dans tout le pays. Pour qui aime marcher dans les horizons sauvages, pas de doute. Avec ce détail qui n’en est pas un et tient à l’alternance entre canyons arides et vallées luxuriantes, la vallée de Paul par exemple, qui font à l’évidence le charme de la balade, ouverte sur l’océan, ce qui ne gâte rien. Cerise sur le gâteau, les gens y sont souriants, aimables, attentionnés. Quant à l’Histoire, elle s’inscrit dès l’arrivée dans le paysage, à travers les chaussées pavées de l’éblouissante Estrada a corda, la route de la corde, délivrant du sud au nord sur plus de 36 km ses panoramas grandioses, grimpant à 1200 mètres d’altitude, et reliant Porto Novo à Ribeira Grande, petite ville côtière fondée à la fin du 16e siècle. La route mythique a comblé les attentes, place désormais aux sentes, parfois pavées, elles aussi, qui sublimeront l’escapade.