
L’Inde et ses multiples visages nécessiteraient plusieurs voyages ! Il y a tant à voir, à découvrir, à vivre, qu’il faut prévoir du temps et surtout bien planifier ses visites. Et ne pas hésiter de sortir des circuits traditionnels.
Les grottes d’Ellora et Ajanta dans l’état de Maharahstra font partie des joyaux cachés de l’Inde. Peu de voyageurs européens s’y aventurent car elles se trouvent dans une région pas vraiment touristique. Le point de chute, la ville d’Aurangabad, à environ 300 km de Bombay, la capitale du Maharashtra, n’a pas beaucoup de charme. Deux jours suffisent pour visiter les grottes et un autre petit bijou, le Bibi Ka Magbara (voir Coup de cœur).
En arrivant sur le site des grottes d’Ajanta, la première impression est … décevante. On ne distingue pas les merveilles vantées par les guides. Des nombreux marchands accueillent les visiteurs dès la descente de l’autocar, il faut traverser un véritable marché de souvenirs pour avoir enfin une vue sur le site. Ce qui saute aux yeux, c’est un canyon le long de la rivière Waghur. Dans la paroi rocheuse en forme de fer-à-cheval, on distingue des ouvertures, les fameuses grottes. Des marches taillées dans la roche mènent à ces grottes artificielles, creusés dans du basalte aux IIe et Ier siècles av. J.-C. puis du 5e au 6e siècle ap. J.-C. Certaines étaient des monastères servant d’abri aux moines pendant la saison de pluie, d’autres des sanctuaires.

En pénétrant dans ces grottes, dont certaines ne sont pas accessibles ou en cours de restauration, on entre dans un autre monde. Des subtils jeux de lumières créent une ambiance un peu mystique – du moins quand il n’y a pas une classe d’écoliers en train de prendre des selfies ! Fresques et sculptures content la vie de Bouddha. Tout en finesse, ce sont des véritables chefs-d’œuvre de l’art religieux bouddhique. Mais par-dessus tout, c’est la technique employée pour creuser ces grottes qui impressionne. Quelques grottes inachevées permettent de mieux comprendre la façon de faire. Pour saisir toute la signification des peintures, mieux vaut être accompagné d’un guide. Mais en demandant gentiment aux gardes, et en leur glissant quelques roupies dans la main, ils donnent volontiers quelques explications – à condition qu’ils parlent anglais.
Bien cachées dans la végétation, il n’est pas étonnant qu’elles n’aient été redécouvertes qu’en 1819 par des soldats britanniques lors d’une partie de chasse. Relativement bien préservées jusque-là, les grottes ont par la suite beaucoup souffert de l’afflux de touristes.
La plus grande structure monolithique du monde
Au 7e siècle, les moines bouddhistes quittent les grottes d’Ajanta pour celles d’Ellora.
Les grottes d’Ellora cachent aussi bien leur jeu, creusées dans la roche basaltique des collines Charanandri. Elles sont encore plus impressionnantes ! Comment leurs constructeurs ont-ils réussi cette performance, creuser la roche depuis le haut pour descendre de plusieurs mètres tout en sculptant des statues, des piliers pour créer des monastères, des temples comme le joyau absolu du site, le temple de Kailâsanâtha ? Avec une longueur de 45 mètres sur 30 mètres, c’est probablement une des plus grandes structures monolithiques du monde ! Rien n’a été construit, tout a été sculpté !
Si le site d’Ajanta est entièrement consacré au bouddhisme, Ellora réunit des sanctuaires dédiés aux bouddhisme, brahmanisme et jaïnisme témoignant de la tolérance religieuse de l’Inde ancienne. Là aussi, les prouesses techniques des excavations qui ont eu lieu en trois phases du Vie au XII siècle, forcent l’admiration. Les sculptures sont d’une incroyable finesse.
Les deux sites ont été classés au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1983. Si les touristes étrangers n’y sont pas légion, les autochtones s’y rendent en masse, sans respecter la fragilité des lieux, mettant en danger cet héritage si précieux.
Coup de cœur
Le mausolée de l’amour

Si la ville d’Aurangabad n’a que peu d’intérêt touristique, elle possède un autre bijou dans ses environs. Elle doit son nom à l’empereur mogol Aurangzeb qui y a résidé à partir de 1681. A quelques kilomètres de la ville, le mausolée Bibi Ka Maqbara abrite le tombeau de sa première épouse. Typique de l’architecture moghole, il ressemble au célèbre Taj Mahal d’Agra, en moins luxueux. Les marqueteries de marbre sont remplacées par des simples peintures, le marbre des constructions par du plâtre. Visiblement, l’empire moghol avait entamé son déclin. Mais tout le site dégage un charme attachant, bien plus que le Taj Mahal plus grand, plus imposant.
Le jardin respecte l’architecture moghol avec ses quatre allées, ses bassins, fontaines et jets d’eau (qui ne fonctionnent pas toujours…). A l’intérieur du monument, sous le dôme, la tombe de l’épouse est recouverte de billets d’argent. Les nombreux visiteurs musulmans (Aurangzeb était un musulman orthodoxe très conservateur) sont friands de « selfies » avec les rares visiteurs étrangers (tout comme les touristes hindous aux grottes d’ailleurs). Les mères vous placent leur bébé dans les bras, avant de poser fièrement à vos côtés… Très peu parlent anglais mais tous essayent de communiquer un minimum. Alors on reste pour partager une tasse de chaï, du thé … après avoir vérifié discrètement que l’eau a bien bouilli…