
Dans les états les plus reculés de l’Inde, un riche patrimoine culturel et architectural surprend le voyageur qui ne se contente pas de suivre les circuits traditionnels proposés par les voyagistes. Certes, il faut parcourir de grandes distances, en train ou en avion, pour pouvoir contempler ces merveilles, mais cela en vaut la peine. Un des plus beaux temples se trouve dans l’État du Penjab, dans le nord-ouest de l’Inde. Sa beauté n’est pas due uniquement à son architecture et ses décorations somptueuses, mais à l’ambiance qui règne sur l’ensemble de l’immense complexe religieux, construit autour du bassin sacré.
C’est le lieu le plus saint du Sikhisme, une des nombreuses communautés de l’Inde. Cette religion, pratiquée par seulement 2% de la population, est présente principalement dans cette région. Elle est monothéiste, combat les inégalités raciales et sociales, défend l’égalité des hommes et des femmes, pratique la solidarité.
La sérénité y règne malgré une opération militaire sanglante en 1984 ordonnée par Indira Gandhi, alors première ministre indienne, afin d’en déloger les indépendantistes sikhs. Le massacre a entraîné l’assassinat d’Indira Gandhi quelques mois plus tard par ses propres gardes du corps qui étaient … Sikhs. Le temple qui a été incendié lors de ces combats – il a été détruit déjà une première fois en …. lors de l’invasion afghane, - a été reconstruite dans toute sa splendeur. Le dôme du temple d’or est recouvert de 400 kg de feuilles d’or. Son intérieur abrite le livre sacré, le Guru Granth Sahib, épais de 1430 pages.

Sans distinction de race ou de religion
Tout le monde est le bienvenu, sans distinction. Contrairement à la plupart des autres sites, l’accès au Temple d’or est gratuit. Par respect pour les Sikhs qui recouvrent leurs cheveux par un turban (pour les hommes) ou un voile, chaque visiteur noue un foulard orange sur sa tête. Nous aussi.
Plus rien ne nous empêche de passer par une des quatre entrées du vaste complexe qui forme un carré ouvert sur ses quatre côtés, signifiant qu’il est ouvert à tous les peuples et toutes les croyances. Nous rejoignons la foule qui déambule autour du bassin contenant le « nectar», l’Amrit Sarovar, qui a donné son nom à la ville. Les Sikhs y prennent des bains rituels afin de se purifier.

Un fidèle prend un bain purifiant dans l'Amritsar, le bassin sacré.
Temple et bassin ont été construits dans les années 1500. Les différentes rénovations, ont rendu le sanctuaire de plus en plus riche jusqu’à recouvrir les étages supérieurs du temple de 750 kilos d’or pur ! Une passerelle au-dessus du bassin permet aux pèlerins d’y accéder. Afin d’y admirer le fameux livre sacré sikh, rédigé par les dix gurus de la religion sikh.
Marbre blanc, façades incrustées de nacre, de pierres semi-précieuses, dômes revêtus d’or. Comme il y avait une longue queue pour pénétrer dans le sanctuaire où l’on peut voir le livre sacré, nous avons préféré explorer les autres bâtiments comme les cuisines du site où sont préparés les repas distribués dans le langhar, le restaurant communautaire. Il y a bien sûr des milliers de pèlerins sikhs qui viennent se recueillir sur le site, mais également beaucoup d’hindous et de musulmans. Les touristes européens sont encore rares. C’est un endroit hors du temps, imprégné de spiritualité sereine et on pourrait s’y promener toute la journée…
Il est difficile de quitter ce lieu haut en couleur, où règne la bienveillance.
Devoir de mémoire
Avant de retrouver notre mini-bus, nous faisons un petit tour dans la ville d’Amritsar. Les rues menant vers le temple d’or ont été rénovées, les monuments mis en valeur, des magasins proposent souvenirs et tissus chatoyants. Dans les ruelles, c’est la vie « ordinaire » qui pulse.
Devoir de mémoire oblige, notre guide nous entraîne vers le jardin Jalianwalla Bagh : c’est ici qu’un autre massacre terrible a eu lieu. Le 13 avril 1919, après plusieurs jours de violences meurtrières contre des civils européens, le gouverneur britannique ordonne une intervention militaire lors d’un rassemblent dans ce jardin. Des centaines de morts, plus de mille blessés renforcent la colère contre le pouvoir britannique. Sur le site, un musée, une galerie et plusieurs monuments mémoriaux.
Fermer la frontière
Le cœur lourd, nous prenons la route pour assister à un autre spectacle, la relève de la garde à Wagah, unique poste-frontière terrestre entre l’Inde et le Pakistan. Chaque soir, s’y déroule un spectacle assez ahurissant avant la fermeture de la frontière pour la nuit. Des deux côtés de la frontière, on se croirait dans un stade de foot avec une foule complètement survoltée.
Des « chauffeurs de salle » haranguent les spectateurs pour faire naître une fièvre patriotique. C’est un peu à qui crie le plus fort… Puis, des gardes-frontières des deux côtés, adoptent des attitudes martiales et menaçantes avant de se serrer la main, la descente des drapeaux et la fermeture de la frontière pour la nuit. Attention : ils doivent toujours être à la même hauteur. Un spectacle qui nous a plu moyennement, surtout quand on sait que les relations entre les deux pays peuvent être très tendues. Mais comme nous étions sur place, je voulais voir… Après avoir quitté l’ambiance paisible du temple d’or, ce spectacle fait partie des « épices qui piquent »… Nous avons pris l’avion pour retourner à Delhi pour la suite de notre voyage.
Coup de cœur
La multiplication des pains

Chaque jour, un véritable miracle se produit au restaurant communautaire du temple d’or d’Amritsar: la préparation d’au moins 25 000 repas (certains avancent même le chiffre de 100 000 !) distribués gratuitement à tous les visiteurs, qu’ils soient Sikh ou Chrétien, noble ou simple commerçant. Les gens viennent bénévolement par centaines pour donner un peu de leur temps : distribuer la vaisselle, faire la plonge, nettoyer la salle. Des groupes émincent de l’ail, des oignons en quantité industrielle. D’autres préparent des boulettes. Légumes, potage et riz mijotent dans des chaudrons gigantesques. Des quantités astronomiques de naans, des galettes indiennes, sont préparées.
Chacun est invité à participer et j’ai badigeonné des quantités de galette de beurre. Une belle façon de partager, de communiquer sans beaucoup de paroles. La distribution des repas se fait de façon très organisée et très disciplinée. Les gens entrent dans le langhar en file indienne pour s’asseoir sur des nattes. Des bénévoles passent distribuer la nourriture. Les assiettes vidées, les gens ressortent de façon tout aussi disciplinée et d’autres bénévoles balayent le sol avant l’arrivée des prochains. C’est un spectacle ahurissant et extrêmement bien rodé.