
La Macédoine grecque n’est pas (encore ?) très courue par les touristes français qui lui préfèrent les îles des Cyclades plus « cartes postales ». Située dans le nord de la Grèce, la Macédoine avec les trois péninsules de la Chalcidique, est pourtant riche en trésors culturels, naturels et gastronomiques. En quittant l’aéroport de Thessalonique à bord d’une voiture de location (sans stress, les directions sont bien indiquées), la route passe par de vastes étendues cultivées avec des oliveraies à perte de vue, des champs de tournesol.
Amphipolis, base navale d’Alexandre le Grand
Première étape, Amphipolis, à 90 minutes de Thessalonique. La petite ville tranquille est un des sites archéologiques majeurs de la Grèce. Pourtant son nom n’est guère connu en-dehors du pays ! Probablement parce qu’on y cherche en vain des vestiges majestueux comme à Athènes ou Delphes. Amphipolis était de tout temps convoité pour les mines d’or et d’argent de ses montagnes, le bois de ses forêts pour la construction navale. Son histoire est émaillée de combats acharnés, de massacres, d’intrigues et d’alliances politiques. En 357 av. JC, c’est le roi de Macédoine Philippe II, père d’Alexandre, qui s’empare de la ville. L’or allait financer la campagne d’Alexandre contre les Perses et sous son règne, la cité devient aussi une base navale importante d’où partent ses immenses flottes.
Dommage, le petit port à l’embouchure du fleuve Strynoma est impraticable suite à l’envasement dû aux alluvions. Les projecteurs du monde historique se sont braqués sur la petite ville lors de la découverte d’un important monument funéraire richement orné. Mais les premières fouilles menées en 2014 ont déçu les espoirs : il ne s’agit pas du tombeau d’Alexandre le Grand. Ailleurs sur le site, quelques vestiges sont cachés dans les herbes folles : le tracé de quatre basiliques, une rotonde, des mosaïques… Seul l’immense lion taillé dans du marbre de Thasos témoigne de l’ancienne importance d’Amphipolis qui n’a pas encore livré tous ses secrets. Les trésors sommeillant sous terre n’attendent que les fonds financiers nécessaires pour être mis à jour.
Philippes, ville grecque devenue colonie romaine
En 365 av. J.-C., le père d’Alexandre le Grand a fondé une autre ville qui porte son nom, Philippes. La cité fortifiée se trouvait sur un axe très important, la Via Egnatia reliant l’Europe à l’Asie. En 42 av. J.-C., après la bataille entre Brutus et Cassius et les héritiers de César, Antoine et Octave, la ville devient une colonie romaine, se développe comme une copie de Rome avec des forums, des temples grecs et romains, un théâtre, une basilique, des églises catholiques, des commerces et le … cachot où fut emprisonné l’apôtre Paul. Tout le site fait partie du patrimoine mondial de l’UNESCO et mieux vaut prévoir du temps pour le parcourir !

Aristote, le philosophe de Chalcidique
La quête d’Alexandre le Grand mène dans la bien belle région de Chalcidique. L’ancienne cité de Stagire près de la petite station balnéaire Olympiada, a vu naître Aristote, un des plus grands penseurs du monde occidental. Son rapport avec Alexandre ? Il était son précepteur. Les vestiges de Stagire mis à jour lors de fouilles depuis 1990 sont cachés dans la végétation d’une colline qui surplombe la mer.
Un sentier très bien aménagé parcourt cette nature exubérante. Si les ruines n’ont rien d’extraordinaire, la balade à travers la forêt méditerranéenne avec des points de vue époustouflants est un ravissement. Tout en admirant les magnifiques vues sur la mer et les îles qui se profilent au loin, on se surprend à rêver : Alexandre se tenait-il à ce même endroit pour scruter l’horizon ? C’est à Stagire que celui qui a dit “La nature ne fait rien sans objet”, aurait initié le jeune Alexandre dans les vertus des plantes et baies sauvages. Un savoir qui peut s’avérer bien précieux lorsqu’on part pour de longues campagnes.
A quelques kilomètres de là, à Stagira-Akanthos, un petit parc thématique avec des instruments interactifs permet de comprendre quelques règles de physique mentionnées par Aristote : des disques optiques, des sphères inertielles, un pentaphone, des réflecteurs paraboliques, bref, de quoi s’amuser si vous passez par là. Le parc se trouvant en hauteur, la vue sur le golfe d’Ierissos est magnifique. En utilisant un des télescopes du site, on peut même apercevoir quelques monastères du Mont Athos, notre prochaine étape.
Mont Athos, la république monastique réservée aux hommes
Les trois péninsules dans le sud de la Chalcidique font le charme de cette région qui fait partie de la Macédoine : Aktè, Sithonia et Kassandra. C’est la première qui est connue dans le monde entier pour la République monastique du Mont Athos dans laquelle environ 2000 moines orthodoxes grecs, bulgares, roumains, russes, serbes et autres, résident dans les 20 principaux monastères et des ermitages. Selon la mythologie grecque, le géant Athos aurait lancé un énorme rocher à la face du dieu Poséidon. Mais il le loupe, le rocher tombe dans la mer et forme une montagne, le mont Athos qui culmine à 2000 mètres. Un site visité évidemment par Alexandre le Grand. On lui aurait alors proposé de sculpter son effigie au sommet. Dommage, cela ne s’est jamais fait, c’eut été l’apothéose de la croisière le long de ses côtes, seul moyen pour les femmes et les touristes de pouvoir admirer les six monastères visibles depuis la mer. Des jumelles permettent de découvrir des chapelles, des bâtiments annexes, des serres plus haut sur les pentes abruptes. Si la présence féminine n’est pas souhaitée dans la république pour ne pas tenter les moines, ceux-ci n’hésitent pas de venir s’amarrer au bateau de croisière pour leur vendre quelques souvenirs….

Après ce périple culturel à travers un tout petit pan de l’histoire d’Alexandre le Grand qui dévoile quelques sites majeurs de l’héritage hellénistique, il ne reste qu’à profiter du patrimoine naturel et gastronomique de la Chalcidique offert avec générosité sur les deux autres péninsules : Sithonia et Kassandra. Avec une préférence pour la première et ses nombreuses criques aux eaux cristallines, bordées de sable fin, ses petites tavernes qui font le bonheur des amateurs de poissons et de fruits de mer. Quant à Kassandra, proche de Thessalonique, elle est plus fréquentée et plus développée, avec des grands complexes hôteliers, des bars et… des touristes. Mais même là, en s’éloignant un peu, on trouve des baies cachées où il fait bon se poser pour laisser vagabonder son esprit à la recherche d’Alexandre, roi de Macédoine dont aucune statue se trouve tout au long de ce périple..
Coup de cœur
Kavala, surprenante ville portuaire

C’est à Kavala, principal port maritime de la Macédoine orientale, que l’apôtre Paul aurait accosté pour se rendre à Philippes, à une petite demi-heure. L’histoire de la ville était mouvementée, dû à sa situation géographique entre Thessalonique et Constantinople. Lombards, Francs, Ottomans et Vénitiens s’y succèdent. La ville portuaire accueille les entrepôts des marchands de Smyrne, d’Egypte. En 1922, après la « Grande catastrophe » (deuxième guerre gréco-turque), plus de 25000 réfugiés grecs de Turquie s’installent à Kavala.
En 1941, la ville est reprise par la Bulgarie, puis occupée par la Wehrmacht allemande. Un passé qui a forcément laissé des traces dans l’image urbaine. Mais il fait bon flâner au centre-ville moderne, où d’anciens entrepôts de tabac sont transformés en jolis centres commerciaux, où de magnifiques villas de style néoclassique témoignent de l’opulence des marchands de tabac. De l’autre côté d’un impressionnant aqueduc à deux étages, des ruelles montent à travers la vieille ville vers la forteresse byzantine, on tombe vite sous le charme de cette cité loin des critères d’un tourisme de carte postale. Un des avantages, on y mange très bien dans n’importe quel restaurant puisque rien n’est fait pour les touristes de passage. Les Grecs ne s’y trompent d’ailleurs pas et viennent volontiers à Kavala passer quelques jours de vacances sur ses belles plages dont le sable fut jadis exporté vers Mykonos !