
Un week-end de trois jours dépaysant vous tente. Direction Cluj-Napoca, dans les Carpates occidentales roumaines. Budget abordable, flânerie à travers l’Histoire garantie, nature sauvage en prime à proximité : à 2h30 de vol de Paris, Cluj-Napoca, la multiculturelle, ne manque pas de séduction. L’ancienne capitale de la Transsylvanie, sous les Habsbourg, séduit avant tout par la richesse de son architecture, reflet des aléas parfois agités d’une Histoire sous influences multiples.
Des Celtes, Romains, Germains, Bulgares, Magyars s’y établirent, des Mongols la détruisirent. De 1213 à 1526, la ville est rattachée au Royaume de Hongrie, puis à l'Empire austro-hongrois (1867-1918). Devenue roumaine en 1919, la cité, annexée en 1940 par la Hongrie, retourne à la Roumanie à la fin de la Seconde guerre mondiale. Autant de soubresauts qui n’interdisent en rien à Cluj de prospérer économiquement, culturellement, architecturalement. C’est tout l’attrait de la balade urbaine.

En 1974, Nicolae Ceaușescu, l’autocrate, accole par décret à Cluj le nom de Napoca, celui du camp romain antique de la place. De quoi, selon son projet, « roumaniser » la cité qui n’en renie pas pour autant son riche passé et brille notamment de son architecture colorée austro-hongroise.
Trois cathédrales et bien d'autres encore
Dans l’hypercentre, la place Unirii (de l’Union), la balade urbaine confirme la richesse de ce patrimoine bâti. Les édifices religieux, dédiés aux différents cultes toujours vivants, y participent, telles l’église des piaristes de la Sainte-Trinité construite par les Jésuites au début du XVIIIe siècle, l’église évangélique luthérienne, fusionnant le baroque et le néo-classique… Cluj compte pas moins de trois cathédrales : la cathédrale catholique Saint-Michel, de style gothique (XIVe - XIXe siècle), la cathédrale orthodoxe de la Dormition-de-la-Mère-de-Dieu, consacrée en 1933 ainsi que, sur le boulevard Eroilor, la Cathédrale de la Transfiguration de l'Église gréco-catholique de style baroque (1775-1779). Au hasard de la balade se découvre aussi de plus modestes sanctuaires, telle la chapelle à la façade colorée de l'Hôpital d'urgence du comté de Cluj-Napoca. Une très belle synagogue datant de 1866 témoigne, quant à elle, de la présence d’une communauté juive dans la cité, avant qu’elle ne soit victime de la Shoah et anéantie à Auschwitz.
La Place Avram Iancu, un site architectural majeur de Cluj
La Place Avram Iancu
Du nom d’une figure de la renaissance roumaine et de la rébellion de 1848, la Place Avram Iancu constitue un autre site architectural majeur de Cluj. S’y succèdent, bâtiment emblématique, l’Opéra national, au style baroque et rococo, édifié en 1904/1906, le Palais de Justice au style éclectique (1902), tous deux établis, avec la Cathédrale orthodoxe. Autre centre d’intérêt, l’Hôtel de Ville - et sa tour de l’horloge - exhibe sa façade viennoise de la fin du XIXe.Quant aux Bâtiments miroirs, inspirés des travaux du baron Haussmann à Paris, ils se font face à l’angle de la place de l’Union et de la rue Iuliu Manui. Le tout n’élude pas dans la balade l’apparition d’un bâti contemporain moins noble, quand il n’est pas carrément d’inspiration stalinienne. Ainsi va l’histoire et ses vestiges ancrés dans la ville. Citons encore le Bastion des tailleurs (XVe siècle), reste de la deuxième enceinte fortifiée, que voisine la statue de Baba Novac, héros national roumain et victime en 1601 de la vindicte hongroise, ou encore, à l'entrée du Parc Central “Simion Bărnuţiu”, le Monument en marbre blanc de la résistance anticommuniste (2006).
Le canal de Morii et la Citadelle
A deux pas des larges boulevards, jalonnés d’édifices dignes de Vienne ou de Budapest, un dédale de rues anciennes s’anime de bars, galeries, restaurants D’autres quartiers livrent volontiers leur singularité. Le plaisir est grand de suivre dans la vieille ville la rue Andrei Șaguna longeant le canal de Morii (1558). Prendre de la hauteur est tout aussi plaisant quand, depuis la colline de la Citadelle, le parc de Cetatuia, à 405 mètres d’altitude, le panorama s’ouvre sur la cité et ses environs. L’ascension se fait par des ruelles au charme fou, grimpant à travers des quartiers résidentiels, et parfois animées de pique-niques familiaux fleurant bon la charcuterie de pays. Enfin la halte au Jardin Botanique Alexandru Borza, à deux pas du centre, s’impose pour qui aime la verdure, les plantes et le calme oxygénant.

Lieux branchés et gastronomie traditionnelle
On peut cultiver l’histoire et être à la page. Universitaire, donc jeune, la ville qui se veut l’eldorado de la sous-traitance informatique, ce qui lui vaut le surnom de Silicone Valley de l’Europe centrale, n’est pas en reste en matière de lieux branchés. L’éventail des évasions festives est ouvert. On peut s’offrir un petit déjeuner d’exception au Madrugada, ne pas se priver d’un succulent goûter au Café Mozart, faire halte à la Fabrica de Bere, une brasserie de bonnes bières locales, prendre l’apéro dans la galerie d’art contemporain Insomnia ou encore de la hauteur au Klausen Burger, un rooftop plongeant sur la ville… Sans oublier les cocktails du Che Guevara Social Club !
La gastronomie fait la part belle à une spécialité locale : le Varza ou Chou à la Cluj, variante du sarmale, le plat traditionnel roumain. Concoctée sous forme de gratin de chou farci de viande de porc haché, de riz, d’oignons, d’herbes aromatiques, la recette, découverte par un historien hongrois, fut inventée par un moine franciscain, et remonterait à 1695. Le dessert prendra, lui, la forme de papanasi, des beignets frits traditionnels, fabriqués avec du fromage frais recouverts de crème fraîche et de confiture.

Spectaculaire : les Gorges de Turda
Les alentours de Cluj méritent l’attention. Certains ouvrent même sur une nature spectaculaire. Telles les Gorges de Turda, Cheile Turzii en roumain, situées à 35 kms au sud, l’une des merveilles des monts Auseni, ou « monts du couchant », une chaîne de moyenne altitude culminant à 1850 mètres. Taillé dans les roches calcaires, un canyon, de près de trois kms de long et d’environ 300 mètres de haut domine la rivière Hasdate. Un pur bonheur de randonnée, d’un degré de difficultés faible à moyen, chacun devant s’adapter selon ses envies, sa pratique et son équipement. Riche en faune et en flore, cette formation karstique, réserve naturelle depuis 1938, compte parmi les plus riches et les plus spectaculaires du pays : des visions à couper le souffle, une riche biodiversité, plus d’un millier d’espèces florales, des chauve-souris, ours, loups, cervidés, plus d’une cinquantaine d’espèces d’oiseaux dont des aigles… Propices à la pêche, les gorges disposent aussi de plus de 250 voies d’escalade.
Le sel dans tous ses états
Non loin de là, un autre site patrimonial attire davantage les foules. Le sel y a longtemps été roi et sert désormais de décor à un étonnant centre de loisirs souterrain du nom de Salina Turda. Déjà exploitées avant la conquête romaine, les mines de Turda l’ont été jusqu’en 1932. A la fois parc de loisirs, d’aventure et de découverte, Salina Turda mêle l’histoire, via la visite de chambres minières historiques ou encore l’approche des techniques anciennes, à des évasions plus contemporaines. Pas banal de s’offrir dans les profondeurs terrestres une partie de ping-pong, de badminton, de bowling ou de minigolf, voire une virée en barque sur un lac souterrain, plus insolite encore, un tour de grande roue… Il se dit que le sel de la mine de Turda pourrait « répondre aux besoins en sel de la planète entière pendant soixante ans ». L’inédit de l’escapade à 120 mètres sous terre à Turda tient avant tout dans le caractère époustouflant d’un site au passé et au présent hors norme.
Coup de cœur
Un Jardin Botanique extra

Oubliées les cathédrales, catholique, orthodoxe, grecque et autres chapelles et synagogue. L’architecture s’estompe. L’animation urbaine n’est plus que souvenir. A dix minutes à pied au sud du centre, un havre de paix s’offre à vous. Bienvenue au Jardin Botanique Alexandru Borza, créé en 1872. Sur près de quatorze hectares de verdure, le site, à vocation universitaire et de recherche, partage volontiers au public plus de dix mille espèces de plantes du monde entier. Le charme tient surtout dans la diversité des atmosphères qu’offre l’errance. Ici le temps s’arrête sur un pont de bois arrondi de couleur rouge au cœur d’un jardin japonais ; là une forêt typique des Carpates évoque une vie faite d’imaginaire ; plus loin une roseraie ravive les envolées poétiques ; des plans d’eau regorgent de nénuphars ; des tourbières se colorent de plantes microscopiques. La déambulation met également en présence d’une intéressante série de statues, à la rencontre de botaniste, scientifique, poète, de déesse, fille à pichet ou grande dame. Des serres géantes laissent imaginer l’ampleur de la tâche. Le château d’eau, devenu point d’observation de la canopée, mérite l’ascension. Une balade vraiment sympa !